Ce montant devrait permettre de couvrir sur la période 2016-2020 les besoins liés à l’assistance humanitaire, à la stabilisation macro-budgétaire et à l’investissement dans l’infrastructure, mais aussi à l’emploi et l’éducation des réfugiés. L’enveloppe demandée est toutefois supérieure aux promesses faites par les donateurs.

Le Liban a réclamé une aide globale de 11,3 milliards de dollars au cours de la conférence organisée le 5 février dernier à Londres pour venir en aide à près de 20 millions de Syriens, dont 4,6 millions de réfugiés, répartis entre le Liban, la Jordanie, la Turquie et l’Irak.
Près de 70 chefs d’État ou de gouvernement ont participé à cette conférence qui a permis de lever plus de 10 milliards d’euros, « la plus grosse somme jamais réunie en un jour en réponse à une crise humanitaire », s’est félicité le Premier ministre britannique, David Cameron. Une aide qui devrait permettre de créer d’ici à 2018 jusqu’à 1,1 million d’emplois pour les réfugiés syriens. La part allouée au Liban n’est pas encore connue.
Les montants promis ont toutefois été jugés largement insuffisants par des ONG présentes sur place. C’est le cas en tout cas pour le Liban. Sur les 11 milliards de dollars sollicités, le Lebanon Crisis Response Plan (LCRP), élaboré par le gouvernement et présenté dans le cadre de cette conférence, estime à 2,48 milliards de dollars l’assistance humanitaire nécessaire à la protection de près de 2,8 millions de personnes « très vulnérables » pour la seule année 2016. « Il s’agit des communautés syriennes et libanaises particulièrement affectées par la crise et vivant dans des conditions extrêmes », précise Alain Bifani, directeur général du ministère des Finances, qui faisait partie de la délégation libanaise. Le montant de ces besoins n’est pas précisé pour les années 2017-2020.
Quant aux autres montants réclamés par le pays du Cèdre pour les cinq prochaines années, ils sont répartis entre l’éducation (1,4 milliard de dollars), les municipalités (800 millions), l’emploi (280 millions), le soutien au budget (2 milliards) et l’investissement dans des projets infrastructurels (4,3 milliards).

350 000 emplois d’ici à 2020, dont 60 % pour les Syriens

En phase avec les deux principaux objectifs de la conférence – l’éducation et l’emploi des réfugiés dans les pays d’accueil –, le gouvernement libanais a présenté un plan quinquennal prévoyant, entre autres, le réexamen du cadre réglementaire propre aux conditions de résidence et de travail des réfugiés syriens, lequel avait été durci à partir de fin 2014. Le plan souligne la possibilité d’une suspension provisoire des frais de résidence imposés aux réfugiés et l’allègement de certaines exigences, y compris celle de la « promesse de ne pas travailler », actuellement en vigueur à chaque renouvellement de visa.
Ces mesures faciliteraient l’accès des Syriens au marché de l’emploi dans certains secteurs « où ils ne sont pas en concurrence directe avec la main-d’œuvre libanaise, tels que l’agriculture, la construction et d’autres secteurs à forte intensité de main-d’œuvre », souligne la feuille de route soumise par le Liban.
Selon les conditions promulguées en janvier 2015 par l’État libanais, les réfugiés qui soumettent une demande de renouvellement de leur permis de résidence sont répartis en deux catégories : ceux enregistrés auprès de l’agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et ceux qui ne le sont pas et qui doivent être parrainés par un “sponsor” afin de demeurer légalement dans le pays. Des frais annuels de 200 dollars sont en outre exigés pour tout Syrien âgé de 15 ans ou plus voulant renouveler son permis de résidence.
Ce durcissement a récemment été dénoncé par l’ONG Human Rigth Watch (HRW), qui a mis en garde, dans un rapport publié en janvier, contre « les risques d’exploitation et d’abus auxquels sont confrontés » les réfugiés, en raison de ces nouvelles conditions.
Outre le réexamen du cadre réglementaire, le gouvernement libanais a proposé, en parallèle, une série de mesures visant à stimuler l’économie et à créer entre 300 000 et 350 000 emplois au cours des cinq prochaines années, dont 60 % pour les Syriens. À cet effet, le Liban a révélé la mise en place d’un programme d’emploi temporaire subventionné, le Subsidized Temporary Employment Program (STEP), visant à fournir des incitations financières ainsi qu’une assistance technique aux micro, petites et moyennes entreprises pour accroître la production et créer de nouveaux emplois permanents pour les travailleurs libanais ainsi que des emplois temporaires pour les Syriens.
« Il s’agit d’un réel défi qui pourrait seulement être relevé si les fonds nécessaires au financement de ce plan sont assurés (…) Nous avons expliqué aux bailleurs que le Liban faisait déjà face à un taux de chômage très élevé en raison de la crise, estimé désormais à 20 % au sein de la population active et à 30 % parmi les jeunes », souligne Alain Bifani.

Scolariser tous les enfants syriens

En parallèle, le Liban s’est engagé à scolariser tous les enfants syriens âgés de 3 à 18 ans à l’horizon 2017 et de leur fournir une éducation de qualité dans le cadre d’une deuxième version du programme Reaching All Children with Education (RACE).
« Cela nécessite toutefois un engagement sérieux de la part de la communauté internationale par le biais d’un financement de près de 300 millions de dollars par an », précise Alain Bifani. Ce financement devrait, en outre, être assuré avant le début de l’année scolaire 2016/17 pour permettre une bonne gestion du processus, a-t-il ajouté.
Durant l’année scolaire 2014/2015, quelque 100 000 enfants syriens étaient scolarisés dans les établissements publics libanais sur les 400 000 en âge de l’être.

Des prêts subventionnés à 0 % ?

Enfin sur le plan des infrastructures, le Liban a estimé à 4,3 milliards de dollars les besoins d’investissement d’ici à 2020, notamment dans le transport, l’énergie, l’eau et d’autres services publics. Il s’agirait d’un financement subventionné, fourni par la Banque mondiale, la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD), la Banque européenne d’investissement (BEI) et la Banque islamique de développement (BID).
De nombreux prêts multilatéraux ou bilatéraux ont déjà été accordés, mais à des conditions pas suffisamment préférentielles, au vu du contexte actuel. « Ce que nous avons réclamé à la conférence est d’accorder au Liban des prêts à 0 % étant donné que les projets d’infrastructures concernés par ces crédits vont également profiter aux populations réfugiées », précise Alain Bifani.
Selon lui, les montants promis à la conférence ne sont peut-être pas suffisants, mais « le Liban reçoit déjà 55 à 60 % des 2,48 milliards de dollars requis chaque année pour l’assistance humanitaire et une part conséquente des 1,3 milliard de dollars de prêts concessionnels par an. En revanche, aucune aide n’a été accordée pour la stabilisation macro-budgétaire depuis le début du conflit syrien », souligne-t-il.
Pourtant, le Liban en a grandement besoin. Le déficit n’a cessé de se creuser depuis le début de la crise, atteignant 9 % du PIB en 2015, tandis que la dette publique se situait à 138 % du PIB, contre des projections à 122 % sans l’impact de la crise syrienne.
La Banque mondiale a estimé les pertes subies par le Liban, liées au conflit voisin, à 13,1 milliards de dollars depuis 2012, dont 5,6 milliards en 2015 seulement (plus de 11 % du PIB).
Alain Bifani reste toutefois optimiste. « Une des principales réalisations de cette conférence réside au niveau de la crédibilité du plan soumis par le Liban, lequel a été salué à l’unanimité. » Non seulement celui-ci contient une vision globale et des données précises, mais il comporte des mécanismes d’application très clairs. « Je pense qu’il y a des chances qu’une bonne partie des promesses soit concrètement traduite. »