« C’est dans notre chambre que tout a commencé. » Maha Arayssi Rifaï, diplômée en pharmacie, et son frère Mohammad, qui vient de finir ses études de chimie, n’ont qu’une idée en tête : offrir à leur mère, qui se plaint de dépenser beaucoup trop d’argent pour des produits inefficaces, les crèmes dont elle rêve. La guerre civile vient de s’achever, nous sommes au début des années 1990. Après avoir mis sa carrière professionnelle entre parenthèses pendant les années de conflit, Maha, déjà mère de deux enfants et enceinte de sa troisième fille, travaille d’arrache-pied pour trouver la bonne formule. Une chose est sûre : leurs produits devront être naturels, de nombreux cas d’allergies étant recensés dans leur famille. Maha cherche dans la pharmacologie indienne et déniche son matériau miracle : la cire d’abeille. L’esprit de Beesline est né. Une marque qui emploie désormais 148 personnes et enregistre un chiffre d’affaires de 9,9 millions de dollars.
L’aventure commence réellement en 1993 lorsque Maha et son frère créent leur société et lancent leur premier produit : une pommade contre le dessèchement de la peau, à base de cire d’abeille brute et d’huiles naturelles de nigelle, de carotte, d’amande douce et de germe de blé. « Lorsque nous avons voulu lancer la production, nous tablions sur un premier lot de 1 000 tubes de crème, ce qui nous paraissait déjà beaucoup. Mais l’imprimeur ne voulait pas en produire moins de 20 000. Nous avons dit banco. C’était le début de l’aventure ! » se souvient Maha. Pour faire connaître la pommade et la commercialiser, le canal choisi est celui des médecins. Aidés par leurs deux sœurs, qui font également partie de l’entreprise, ils démarchent un par un les dermatologues, les pédiatres, les chirurgiens et les pharmaciens de Beyrouth, puis du Liban. Les réactions positives de leurs futurs prescripteurs et des essais cliniques prometteurs encouragent la famille Arayssi à placer ses crèmes en consignation dans les pharmacies, qui sont aujourd’hui 800 à distribuer leurs produits, à participer à ses premiers salons et élargir sa gamme de produits. En s’appuyant toujours sur l’apithérapie, Beesline développe notamment un stick à lèvres qui reste encore aujourd’hui l’un des produits phares de la marque au Liban. Avec 250 000 unités vendues chaque année, il représente 52,4 % des parts de marché des soins pour les lèvres, d’après une étude réalisée par Nielsen en 2012.

L’Arabie saoudite, premier marché pour Beesline

1999 marque un tournant majeur dans le développement de Beesline avec les premières exportations en Arabie saoudite. Un pays qui devient progressivement son premier marché et représente aujourd’hui 70 % de son chiffre d’affaires, contre 10 % seulement au Liban. « Le marché libanais est difficile parce que le “Made in Lebanon” y souffre d’une mauvaise image », explique Maha Arayssi Rifaï. « C’est moins le cas en Arabie saoudite. Et puis là-bas, nous avons développé une gamme de soins éclaircissants qui rencontre un véritable succès, ajoute-t-elle. Nous sommes arrivés les premiers sur ce créneau, ce qui nous a permis de prendre une part de marché importante. Aujourd’hui, nous essayons de rester à la pointe et de proposer de nouveaux produits comme un déodorant éclaircissant et un savon éclaircissant pour les parties intimes. » Une niche qui permet à Beesline d’enregistrer un taux de croissance annuelle dépassant les 30 %.

De grandes ambitions pour 2016

Avec une centaine de références et plus de 4 000 formules développées depuis sa création, Beesline entend bien poursuivre son développement. Sélectionnés en décembre 2013 par le réseau Endeavor de soutien à l’entrepreneuriat, Maha et son frère ont toutefois retenu les conseils de leurs tuteurs : canaliser leur énergie en se concentrant sur une gamme de produits étoffée, mais cohérente et porteuse, développer une véritable stratégie marketing autour de leurs produits, jusque-là complètement délaissée, et réorganiser l’entreprise en interne pour sortir d’une structure exclusivement familiale. « Nous devons baser notre développement sur nos produits les plus rentables et sur des marchés en forte croissance », affirme Maha Arayssi Rifaï, qui raconte avoir passé près de cinq ans à travailler sur une palette de maquillage qui n’a finalement jamais vu le jour. Après avoir progressivement abandonné sa gamme Pro destinée aux spas et fermé son propre institut qui se trouvait dans le quartier de Hamra à Beyrouth, Beesline a préféré s’appuyer par exemple sur le succès de son stick à lèvres, en le déclinant, courant 2015, avec une dizaine de nouveaux parfums. L’entreprise compte par ailleurs développer sa gamme de masques pour le visage, notamment en Arabie saoudite où ils ont rapidement trouvé leur clientèle. Outre les pays du Golfe, Maha a le regard rivé sur l’Extrême-Orient et rêve de s’implanter un jour en Chine et en Malaisie où elle a déjà tissé de premiers contacts. « L’Asie est un marché extrêmement porteur, avec une croissance exponentielle, mais ce sont des pays difficiles d’accès. Cela prend du temps ! » confie Maha, pour qui le mot “impossible” n’existe pas.
Afin de soutenir la hausse de sa production, Beesline va prochainement se doter d’une nouvelle usine de 3 000 mètres carrés, d’où sortiront près de 50 000 produits par jour. Située à Bchamoun, cette unité de production, qui a nécessité un investissement de 9 millions de dollars, emploiera vingt personnes supplémentaires et devrait être opérationnelle dans le courant de l’année. Autre chantier prioritaire pour 2016 et 2017 : mieux communiquer autour de la marque et développer une première campagne publicitaire. « Nous n’avons jamais fait de publicité à proprement parler, explique Maha. Nous nous sommes pour l’instant toujours cantonnés au bouche-à-oreille et à la promotion sur le lieu de vente. » Beesline est toutefois bien présente sur le Web, avec un site Internet dont une refonte est prévue dans le courant de l’année, une page Facebook ouverte il y a deux ans et qui compte plus de 200 000 abonnés, un compte Instagram et une application mobile qui « devrait être prête dans les six prochains mois », assure-t-elle. Un bon moyen de fidéliser les clientes, toujours plus nombreuses, de Beesline.

Qui est-elle ?

- Maha Rifai, née à Beyrouth en 1956.
- Diplômée de la Faculté de pharmacie de l’USJ en 1979.
- Mère de trois enfants.
- Cofondatrice de la marque Beesline en 1993.
Beesline

Quelques dates

1993 : création de la marque Beesline.
1999 : premières exportations en Arabie saoudite.
2000 : Beesline s’installe dans ses premiers bureaux à Bchamoun.
2001 : lancement de la gamme de produits éclaircissants.
2013 : Beesline intègre le réseau Endeavor Liban.
2016 : construction d’une nouvelle usine de production.

Quelques chiffres
Chiffre d’affaires 2015 : 9 987 890 dollars.
Nombre de salariés : 148 dont 69 % de femmes.
Croissance annuelle : 30-35 %.
Principaux pays d’exportation : Arabie saoudite (70 % du CA) et Irak (20 % du CA).
Nombre de points de vente au Liban : 800 pharmacies.
Nombre de points de vente en Arabie saoudite : 7 000 pharmacies et supermarchés.

Première entreprise familiale libanaise à intégrer le réseau Endeavor
En décembre 2013, Beesline a été sélectionnée pour rejoindre l’organisation non gouvernementale Endeavor. Ce réseau mondial d’entrepreneurs a pour mission d’accélérer la croissance économique et la création d’emplois à haute valeur ajoutée en soutenant des entrepreneurs à fort impact à travers ses réseaux locaux, régionaux et mondiaux. Si les entreprises familiales sont parfois réputées pour leur manque d’efficacité et de transparence, Beesline a joué le jeu de l’ouverture et est parvenue à séduire le jury d’Endeavor : « Une entreprise qui réalise une telle croissance dans la région, on ne voit pas cela tous les jours », a affirmé Tarek Sadi qui dirige l’antenne libanaise du réseau. Le potentiel de Beesline ne fait aucun doute pour lui : « Je ne serai pas surpris si dans dix ans le chiffre d’affaires de l’entreprise dépasse les 100 millions de dollars. » Pari à suivre.