Un article du Dossier

L’expresso : vitrine d’un marché du café en ébullition

Marc Naman s’enorgueillit d’avoir changé les règles du jeu pour instaurer la “culture de la qualité” sur le marché de l’espresso au Liban. Il parle d’espresso avec un “s”, pour marquer son combat pour la culture italienne du café. Quand il s’y intéresse en 1995 avec sa société Green and Co., alors spécialisée dans l'importation de produits artisanaux indiens, personne à Beyrouth ne fait encore dans le petit noir. L'entrepreneur sait qu'il a un coup à jouer. « Je cherchais un business avec une marge plus petite, mais davantage de roulement », confie-t-il vingt ans plus tard. C’est son père, séduit par la saveur du café Illy, qui lui souffle l'idée. Pendant six mois, Marc Naman étudie le marché. Le jeune diplômé en finance décortique les modes de consommation, se penche sur la production, décrypte le travail des torréfacteurs locaux et celui des importateurs. « Je me suis rendu compte qu’il n'y avait rien qui se faisait correctement. Que toute la culture, la science et l’art de préparer un bon espresso étaient absents au Liban. À l’époque, 99 % du café importé venait du Brésil et les mélanges étaient presque impossibles à réaliser pour la plupart des torréfacteurs locaux. Or, pour faire un bon espresso, il faut un mélange de plusieurs graines et Illy en proposait neuf aux origines diverses. » Les résultats de son enquête convainquent le siège italien de Trieste qui lui confie la distribution de la marque Illy. Marc Naman est alors persuadé que la qualité va prévaloir sur la culture du prix, alors en vigueur. Un pari gagnant. L’entrepreneur démarche les hôtels et les restaurants avec un produit à trente-quatre dollars quand celui de ses concurrents ne dépasse pas les cinq dollars. C'est avec la Mie Dorée à Sassine que Naman décroche son premier contrat. Suivent le Chase, La Cigale et bien d’autres. Aujourd’hui, Marc Naman dit avoir près de 200 clients dans l’hôtellerie et la restauration qui constituent 90 % de ses ventes.
Il consacre le reste de son activité à la boutique ouverte en 2012 avec deux de ses amis propriétaires des locaux de la rue Foch à Beyrouth pour vendre toute la gamme de produits et de machines à café Illy. Si l’entrepreneur refuse de communiquer sur les résultats de sa société, selon nos informations, la marque italienne a réalisé  en 2015 au Liban un chiffre d'affaires proche des deux millions de dollars et vend chaque année plus de trois millions de tasses. Une preuve que ses choix stratégiques ont profondément transformé le marché, fait valoir Marc Naman qui réussit dans la peau d'un David face aux géants du secteurs.
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