En allemand, “fabrik” désigne l’usine. Celle d’un temps révolu où une cohorte d’ouvriers fabriquaient les objets qui allaient donner sens à la “société de consommation”. Mais la révolution numérique a pulvérisé cette utopie. « Nous vivons dans un monde de mobilité paradoxale : la circulation des data n’a jamais été aussi rapide, tandis que les mouvements des hommes sont de plus en plus entravés », explique Florian Ebner, commissaire de l’exposition. Organisée par le musée Sursock, en partenariat avec l’Institut Goethe et l’Institut für Auslandsbeziehungeb, cette exposition présente les œuvres des cinq artistes sélectionnés en 2015 pour représenter l’Allemagne à la 56e Biennale de Venise, la plus courue et la plus ancienne des biennales d’art contemporain. « Il faut se souvenir que l’Europe alors était en pleine interrogation sur le sort des réfugiés qui se bousculaient à ses portes. Ce que nous proposons ici est une “usine imaginaire” : un lieu d’analyse pour comprendre comment s’opère ce mouvement – être humain, données, argent… – et ce qu’il induit. » Des cinq artistes présentés, on retient le travail de Hito Steyerl (1966), qui évoque dans son installation “Factory of the sun”, l’entrelacement entre la technologie, le capitalisme et notre “humanité”. Sa vidéo de 23 minutes, qui a depuis tourné dans les plus grands musées d’art contemporain, présente une parodie de jeux vidéo et invite les curieux à se rappeler que “toute chose est algorithme” (même notre humanité). Dans un autre registre, le travail d’Olaf Nicolai (1962) s’interroge sur le sens du travail à l’aire du numérique. Lors de la Biennale de 2015, l’artiste avait installé sur le toit du pavillon allemand un atelier de fabrication de boomerang, dont les “ouvriers” jetaient ensuite la production à destination des passants en bas. « Un toit, c’est un lieu de refuge, de retraite… En même temps qu’un espace qu’on réserve aux panneaux d’affichage ou éventuellement aux snipers : in fine, c’est un espace très évocatif », assure l’artiste dans une interview. Certains boomerangs ont ensuite servi de “drones primitifs” afin de filmer le ciel, les arbres... À défaut de l’usine sur le toit, Sursock a choisi de présenter ces films ainsi que le travail préparatoire de l’artiste autour du “toit” : un lieu réel où, malgré tout, l’imaginaire de l’homme s’agglutine pour s’envoler… ou retomber plus bas.
Musée Sursock, entrée gratuite, jusqu’au 8 mai 2017.
Tél. : 01/202001.