À 52 ans, si on ne peut pas affirmer que la production audiovisuelle sera l’ultime activité professionnelle de Péri Cochin − « je pourrais aller pêcher le thon en Méditerranée ! » s’amuse-t-elle −, ce n’est pas non plus la première. Arrivée en France à neuf ans, le bac en poche à 16 ans, elle suit des études d’architecte. Mais elle n’utilisera pas son diplôme. « Mon premier mari était architecte. Ses agences n’avaient pas besoin de moi et je n’allais pas travailler pour la concurrence ! » C’est un peu du fait de son futur conjoint, également, qu’elle avait connu sa première expérience professionnelle. Pour l’éloigner de ce prétendant, ses parents l’embarquent en Thaïlande où ils ont investi dans une usine de textile, flambant neuve mais au carnet de commandes vide. Fascinée et joueuse, sans expérience, elle propose ses services et revient avec une volumineuse commande de la marque new-yorkaise French Connexion. « J’ai appris et j’ai eu un coup de chance », affirme-t-elle. De retour en France, elle travaille quelques mois pour les collections et le merchandising de la marque de prêt-à-porter Blanc Bleu. Puis, avec sa belle-sœur, elle crée sa propre entreprise, en 1991. L’affaire est modeste : une boutique de bonbons. Mais le hasard, si souvent évoqué dans son récit, s’en mêle. Une composition créée pour décorer la vitrine – des bonbons agencés dans une panière – arrive dans les mains d’une journaliste qui en fait l’article dans Paris Match et attire l’attention des Galeries Lafayette Haussmann à Paris. Quelques semaines plus tard, les “Tartes aux bonbons” s’écoulent par milliers dans le grand magasin. C’est le début d’une activité florissante : 2 500 points de vente en France, douze pays à l’export... Péri Cochin raconte cette aventure industrielle comme si elle était banale. Au bout de six ans de travail acharné, les deux associées vendent leurs licences et passent à autre chose. Péri Cochin multiplie les projets, « sans intérêt majeur », dit-elle. Si ce n’est de révéler son attrait pour les aventures entrepreneuriales un peu folles, dont elle ne parle jamais en termes économiques.
Sa vie professionnelle opère un tournant en 2001 quand des amis évoquent son nom auprès du célèbre animateur français, Laurent Ruquier, alors en quête d’une nouvelle voix pour son équipe. En guise d’entretien de recrutement, Péri Cochin se retrouve en direct au micro d’Europe1, avant d’être enrôlée plusieurs années dans la “bande à Ruquier”, à la radio comme à la télévision. Elle y tient le rôle de « la bourgeoise rigolote qui n’a pas peur de parler cru ». Pour nombre de professionnels du secteur, rien ne justifie l’ascension de cette débutante dans ces émissions à succès. Elle explique : « J’entrais bien dans la case qui à ce moment-là manquait pour compléter le tour de table. J’ai fait le job. » D’ailleurs, elle figure souvent parmi les favoris du public.
En parallèle, Péri Cochin développe des projets avec sa société de production Periscoop. En 2005, elle se lance dans l’organisation d’un festival du rire à Beyrouth. Mais le projet avorte, avec l’assassinat de Rafic Hariri. « Personne n’avait plus envie de rire. » Elle en revient toutefois avec l’idée d’adapter l’émission française “Tout le monde en parle” et parce qu’elle connaît Thierry Ardisson, elle obtient le droit de l’exploiter. « Je voulais en faire une émission panarabe », explique-t-elle. Une ligne éditoriale qu’elle appliquera par la suite à une partie de ses productions dans la région. En attendant, l’émission “Chakou Makou” est diffusée avec succès sur New TV dès mars 2006, avant d’être interrompue par la guerre. Elle reprend en 2009 sur MTV sous le titre “Hadith el-Balad”. Primée deux années consécutives comme meilleur talk-show, elle est toujours à l’antenne, désormais en direct.
Nombreuses émissions rencontreront par la suite de beaux succès d’audience et d’estime. Sous le titre “Adam w Hawa”, elle adapte la série comique “Un gars, une fille” pour le Liban (à partir de 2006) et Abou Dhabi (depuis 2013). C’est un tabac. « Lorsque l’on acquiert un format, il s’agit d’en conserver l’esprit tout en adaptant l’écriture à la culture locale, à l’humour, aux convenances sociales », explique Péri Cochin. Des auteurs y travaillent et cela fonctionne. Ainsi, “Taratata” lancée en 2007 sur Dubai TV, reçoit en 2009 et 2010 le gold award de l’émission de divertissement et reste neuf ans à l’antenne. “Swelefna Helwa” produite à partir de 2007 pour Dubai TV reçoit en 2012 le prix régional des médias de l’Unicef. “Aal Akid” adaptée de l’émission “Sans aucun doute” (TF1), diffusée sur Future TV à partir de 2012, puis sur MBC, reçoit le prix “Arab social responsibility award” à Dubaï.
La liste des productions de Periscoop dans le monde arabe est longue, plus d’une vingtaine en dix ans. Avec l’expérience, l’entreprise est devenue capable de proposer des formats inédits, à l’instar de “Music Mix” qui, depuis octobre 2016, rencontre un franc succès sur Dubai TV. Péri Cochin pourrait se contenter de son incontestable légitimité dans l’audiovisuel arabe. Mais, elle veut voir plus loin. « Faire de la télévision tel que je le conçois implique de maîtriser la langue pour comprendre les participants, les humeurs, maîtriser les rythmes... Je parle anglais, arabe et français. Au Moyen-Orient, explique-t-elle, j’ai une valeur ajoutée : un esprit un peu français, un rythme et un œil différents. Mais en Europe, personne ne m’attend. » Elle choisit donc l’Afrique francophone pour, plaçant la barre très haut, y adapter le célèbre format “Got Talent” sous le titre de “L’Afrique a un incroyable talent”. Elle ne veut pas en dire le montant − « beaucoup de zéros, trop de zéros » −, mais les droits de cette émission, présente dans une soixantaine de pays, sont parmi les plus chers au monde. La première saison diffusée par les chaînes de cinq pays et sur A+, la chaîne “Afrique” du groupe Canal+, s’est conclue fin décembre 2016. Plus d’un million de fans sur Facebook, 7 000 000 de vues sur YouTube. Les ayants droit de l’émission, pourtant habitués au succès, ont tenu à saluer ces résultats.
La deuxième saison est en cours de préparation. La production reste un challenge. « C’est un modèle économique très différent, mais passionnant : il a fallu apprendre à “fabriquer” de la télé différemment. Les chaînes n’ont pas les moyens. Il faut aller les chercher ailleurs. » Nescafé est le sponsor officiel. Avec le recul, elle est ravie d’avoir pris des risques : acheter le concept sans certitude sur sa faisabilité, négocier le droit d’en adapter le format aux conditions techniques locales, organiser des castings dans chaque pays, faire venir à Abidjan les 400 candidats sélectionnés pour le tournage... « Plus de la moitié des candidats n’avaient jamais quitté leur pays. Leur faire fabriquer des passeports, organiser leurs voyages... C’est une véritable usine à gaz ! » Résultat ? Péri Cochin évoque « une grande et intense aventure humaine », le plaisir de découvrir ce nouveau terrain. Mais sur le plan économique, rien ne filtre. Tout au plus avoue-t-elle : « Disons qu’il n’y a pas d’argent à gagner pour l’instant. J’investis dans l’avenir. » Celui d’un marché africain en devenir.

En quelques dates
1965 : naissance à Beyrouth.
1974 : arrivée en France.
1981 : obtention du bac.
1989 : obtention du diplôme d’architecte.
1991 : création
de la “Tarte aux bonbons”.
2001 : intègre la “bande
à Ruquier” à la télévision et à la radio.
2003 : création de Periscoop.
2005 : commence à produire des émissions de télévision.
2008 : présente pendant un an “Bien dans ma vie” sur M6.
2016 : diffusion de “L’Afrique a un incroyable talent”.

Un Picasso pour 100 euros
Péri Cochin a créé, en 2013, une loterie d’un nouveau genre, “Un Picasso pour 100 euros”. C’est un Américain de 25 ans qui a gagné “L'Homme au Gibus”, une œuvre réalisée par l’artiste en 1914 et évaluée à environ un million de dollars. Cinquante mille bulletins de participation ont été enregistrés, soit une cagnotte de plus de 6 millions de dollars – moins le prix du tableau – au profit de l’Association internationale pour la sauvegarde de Tyr, fondée et dirigée par Maha el-Khalil Chalabi, la mère de Péri Cochin. « Un jour, elle m’a dit : “Il faudrait organiser un dîner de gala”. “Non, pitié, maman ! Je n’en peux plus de ces dîners où à chaque fois je me retrouve à faire l’animation !” », raconte avec humour la productrice. C’est ainsi qu’est né le projet. « Cela a été très long et difficile à mettre en place. Il a fallu demander de nombreuses autorisations à l’administration française ainsi qu’à la famille » qui l’a soutenue, à travers l’engagement d’Olivier Picasso dans le projet. Péri Cochin aimerait reconduire et pérenniser l’initiative au bénéfice d’autres causes. Cependant, pour l’heure, l’envie reste à l’état de projet, faute de temps à y consacrer.