L'exposition de Walid Raad interroge l'histoire sur sa part de vérité.
L'exposition de Walid Raad interroge l'histoire sur sa part de vérité.

C’est un méli-mélo signé Walid Raad auquel nous convie la galerie Sfeir-Semler. L’artiste conceptuel, grand amateur d’archives anciennes, notamment celle relative à la guerre de 1975, nous invite à une déambulation poétique et ironique à travers plusieurs époques de sa vie. Avec toujours peut-être cette obsession : l’imaginaire peut-il remplacer ou se superposer à la réalité ? Pour Walid Raad, la réponse passe par une reconstruction du passé à partir des traces laissées. “L’Atlas Group”, l’un de ses projets les plus connus, qu’il démarre dès 1999, par exemple, est « dédié à la recherche et la compilation de documents sur l’histoire contemporaine libanaise ». Vrai ou faux, cela n’a guère d’importance. Tout au plus, Walid Raad nous présente-t-il une histoire plausible. À nous, spectateurs, ensuite de nous « raconter quelque chose » autour. Comme par exemple cette histoire qui consiste à ressortir des cartons les noms de code attribués pendant la guerre aux hommes politiques libanais (ou étrangers) par les services secrets qui les surveillaient. Botaniste de formation, « Hassoun, du Deuxième Bureau, avait pour rôle d'attribuer aux politiciens des noms de code inspirés des appellations florales », indique le texte à l’entrée de la pièce. Si elle était véridique, l’histoire serait délectable. Mais qu’importe après tout : désigner Kamal Joumblatt par le nom latin d’une petite fleur des montagnes libanaises a quelque chose de déviant, qui en dit peut-être plus long encore que n’importe quel discours sur l’absurdité du pouvoir. On retrouve ce déplacement narratif dans le travail qu’il accomplit, nous dit-il, alors que boursier au Louvre à Paris, il s’interroge sur les pièces antiques envoyées à Abou Dhabi pour l’inauguration du Louvre arabe ce mois-ci. En les transposant d’une région du monde à une autre, n’est-ce pas aussi leur sens qu’on modifie ? La réponse, l’artiste vous invite à l’entrevoir à la galerie Sfeir-Semler, au milieu de camions de transports, des bennes à ordures, qui donne à cette exposition aussi un petit air surréaliste.

Galerie Sfeir-Semler, Walid Raad jusqu’au 30 décembre 2017. Tél. : 01/566550.