Un article du Dossier

Le Liban fait son cinéma

Jamais le cinéma n’avait abordé les relations entre le Liban et la Syrie sous cet angle. Dans “Mahbass”, Sophie Boutros raconte la relation amoureuse entre un Syrien et une Libanaise dont les familles entretiennent une méfiance respective, conséquence de plusieurs décennies de relations conflictuelles entre les deux voisins. « C’est une comédie sophistiquée, définit la réalisatrice Sophie Boutros. Elle est accessible à toutes les classes sociales, mais dans le même temps recherchée. Un film d’autant plus pertinent dans nos sociétés qu’il s’inscrit dans le contexte de la triste question des réfugiés et de toutes les tensions que cela engendre », ajoute celle qui est aussi productrice via sa société Jam Productions. « On savait que “Mahbass” allait bien marcher, reconnaît Nadia Eliewat, coauteure du scénario et productrice du film avec sa maison Screenproject. Mais la première projection mondiale au Festival international du film de Dubaï en décembre 2016 a été énorme avec plus de deux mille personnes et de très bons retours dans la presse. » Pour mener à bien ce projet né deux ans plus tôt, la Jordanienne et la Libanaise sont allées chercher des financements privés. Le budget de 750 000 dollars a été réuni par trois investisseurs libanais anonymes (50 % de l’enveloppe totale), la chaîne de télévision Arab Radio Television Newtork (ART) et le bijoutier Damas Jewellery, contre le placement dans le film de la bague conçue spécialement pour l’occasion. Porté par des stars arabes à succès (la Libanaise Julia Kassar et le Syrien Bassem Kousa) et par un budget marketing de 70 000 dollars (diffusion de spots radios et télés, réseaux sociaux, affichages sur les panneaux publicitaires), “Mahbass” s’est déployé dans les cinémas de six pays du monde arabe (Liban, Syrie, Jordanie, Émirats arabes unis, Koweït, Ramallah). Le film distribué par le groupe MC totalise déjà plus de 110 000 entrées dans la région, dont près de 90 000 au Liban. Sur le plan financier, Nadia Eliewat confie cependant ne pas encore avoir récolté les fruits de ces bons résultats. « Les cinémas peuvent prendre jusqu’à 60 % des recettes sur les tickets, le reste rembourse essentiellement les investisseurs, explique-t-elle. Au final, cela fait très peu d’argent pour notre société de production. » Si profit il y a, celui-ci devrait se concrétiser sur le long terme. Et en dehors de la région. Car “Mahbass” doit arriver prochainement dans les salles scandinaves et continue d’enchaîner les projections dans les festivals du monde (États-Unis, France, Italie, Corée du Sud…), avec la promesse de pénétrer de nouveaux marchés. Quant à ART, financeur du film et à ce titre distributeur du long-métrage auprès des télévisions et des plates-formes VoD, il se chargera de prolonger la vie du film sur le petit écran.

“Mahbass”

Réalisation : Sophie Boutros

Productions : Screenproject (Jordanie), Jam Productions (Liban), Arab Radio and Television (ART)

Budget : 750 000 dollars

Financement : investisseurs libanais anonymes, ART, Damas Jewellery


dans ce Dossier