Un article du Dossier

Le Liban fait son cinéma

Il aura fallu dix ans pour que “Tombé du ciel” atterrisse dans les salles. Coproduit entre le Liban et la France, le film de Wissam Charaf a pu voir le jour grâce à des fonds de soutien de l’Hexagone.

Avec moins d’un millier d’entrées en six semaines de projection, le premier long-métrage de Wissam Charaf s’inscrit dans la lignée de ces films d’auteur libanais dont l’audience peine à dépasser un public d’initiés. Distribué au Liban par l’égyptien Mad Solutions, “Tombé du ciel” a été projeté dans seulement deux salles de la capitale, le Metropolis Sofil et au Vox City Center. « Nous avions anticipé une petite sortie en salle », confie Pierre Sarraf, directeur de la maison de production …Né à Beyrouth, à l’origine cet été de deux autres longs-métrages libanais (“Go Home” de Jihane Chouaib, “Insyriated” du réalisateur belge Philippe Van Leeuw). Entre quête de mémoire et comédie burlesque, “Tombé du ciel” raconte le retour à Beyrouth d’un ancien milicien que son frère croyait mort pendant vingt ans. « C’est un film compliqué à financer, estime Pierre Sarraf. D’abord parce que Wissam n’a pas encore de notoriété internationale, ensuite parce qu’à la seule lecture du script, il est difficile d’en saisir le ton et l’ambiance. » Pour trouver des fonds, le réalisateur a donc dû batailler. Dix ans au total. Des années d’écriture, de dépôts de dossiers auprès des fonds européens. Des années de refus et de réécriture pour au final décrocher une maigre enveloppe consacrée aux moyens-métrages de la chaîne franco-allemande Arte complétée par des financements du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et de la région Île-de-France, soit au total 350 000 dollars. « Avec un budget modeste, il a fallu faire des sacrifices, raconte Wissam Charaf. Nous avons dû couper une scène, réduire le tournage à une quinzaine de jours et réaliser énormément de travail en amont. L’essentiel pour moi était que tout ce bricolage ne se voit pas à l’écran. » Produit avec la société française Aurora Films et aidé en postproduction par des fonds du Doha Film Institute, “Tombé du ciel” bénéficie à ses débuts d’une exposition idéale au Festival de Cannes où il figure dans la sélection Acid consacrée aux films indépendants. Pas assez cependant pour atteindre le grand public. Et donc engranger des recettes. Car côté revenus au Liban, hormis la billetterie en salles et la vente éventuelle aux chaînes de télévision, Pierre Sarraf peut d’ores et déjà l’affirmer : « Le film ne sera pas rentable. » Même constat en France où le long-métrage est projeté dans deux salles à Paris et six autres en province. « Nous devrions arriver à quelque 5 000 entrées, ce qui n’est pas énorme, estime Charlotte Vincent, gérante de la société Aurora Films, productrice du long-métrage. Le film fera difficilement des recettes en France hormis peut-être la vente à une chaîne de télévision qui n’excédera sans doute pas les 15 000 euros (17 000 dollars). » Qu’importe pour les producteurs qui peuvent réaliser des bénéficies sur d’autres projets (…Né à Beyrouth consacre par exemple 60 % de son activité à des films de communication). Le soutien à Wissam Charaf vient donc surtout consacrer la défense d’un certain cinéma. « C’est le réalisateur qui me motive, expose la productrice française. “Tombé du ciel” était son premier long-métrage, nous sommes déjà avec lui sur d’autres projets. Ce travail avec Wissam, c’est un investissement sur le long terme. »

“Tombé du ciel”

Réalisation : Wissam Charaf

Productions : Aurora Films, …Né à Beyrouth

Budget : 350 000 dollars

Financement : Arte, CNC, région Île-de-France, Doha Film Institute


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