Fadi Aziz remet au goût du jour un intemporel du patrimoine levantin. 

Cela fait treize ans maintenant que Fady Aziz patauge dans le monde des marques : graphique designer en chef au sein de l’agence de publicité Qantum, il imagine l’identité visuelle des produits ou des marques, travaille à leur stratégie de pénétration des réseaux ou élabore leur création publicitaire… «J’adore, mais avec l’expérience vient aussi la routine», assure ce bon père de famille.

Une routine qu’il a voulu casser en trouvant «quelque chose qui lui redonne la sensation de passer du bon temps.» Ce second souffle se nomme «The Good Thymes» : la marque de Zaatar séché, qu’il a crée en septembre dernier, et dont le nom porte aussi en filigrane  ce désir de «good time» que Fadi Aziz défend mordicus comme son but ultime. «Je n’ai pas lancé ce produit dans l’idée d’en faire un business rentable. Je cherchais en fait une excuse pour davantage m’impliquer dans mon village et retrouver le goût de la nature avec mes deux enfants», précise celui qui a gardé de son scoutisme d’adolescence un goût pour les cieux étoilés, les feux de la Saint-Jean et les activités de plein-air.

Lancé lors de la Beirut Design Fair en septembre, The Good Thymes propose d’ores et déjà neuf mélanges : du très classique zaatar, sumac et sésame (15 000 livres libanaises le sachet) jusqu’à des formules plus osées comme ce "Superfoodie mix", un mélange de zaatar, baies de goji et d’amandes (25 000 livres libanaises) voire carrément hot comme le "Halabi mix" (20 000 livres libanaises), nettement épicé. «L’idée est de travailler un produit de notre patrimoine culinaire et d’en moderniser le goût pour toucher éventuellement un public plus jeune.» Bref, de remettre au goût du jour un intemporel du patrimoine levantin. D'ailleurs, ses recettes, Fadi Aziz les élabore en prenant appui sur un panel d'étudiants qui les goûtent et les testent. «Derrière un produit traditionnel, on s'attend à voir de vieux villageois. J'ai voulu cassé cette idée en travaillant avec des jeunes urbains, pour donner un coup de peps au produit.»

Ce positionnement explique aussi le prix de vente. «The Good Thymes» est un peu plus cher que les mélanges traditionnels dont le kilo s’échange entre 34 000 et 38 000 livres. « Je propose ma base classique à 42 000  livres  le kilo. Les 10  à 15% de coûts additionnels me permettent de garantir l’origine et la qualité du produit vendu.  Vous n’imaginez pas ce qu’on peut parfois mettre en lieu et place du zaatar », souligne-t-il.   

Ce n'est pas des rumeurs : en 2012, l’Arabie saoudite a refusé l'entrée sur son sol d'une cargaison de zaatar libanais, affirmant, analyses à l'appui, que le produit contenait des additifs non autorisés. La presse évoqua la présence de chapelure de pain voire, bien plus grave, de sciure de bois pour alourdir le poids de la marchandise vendue.

Pour Fadi Aziz,  le meilleur moyen pour gagner la confiance des consommateur est de maîtriser l’ensemble du processus : du produit brut - le zaatar- à la distribution en passant par la transformation. «J’ai  découvert, grâce à des  précurseurs dans le domaine comme Mohammed Nehmé, que le Zaatar poussait certes à l'état sauvage, mais qu'on pouvait aussi le cultiver.»

Fadi Aziz loue un premier terrain de 8500 m2 dans son village natal de Kfar Houné, près de Jezzine. « J'ai loué le terrain d'un monastère de la région, qui n'avait pas été cultivé depuis au moins une trentaine d’année…» Depuis, il lui a adjoint deux autres terrains de 10 000 m2 et 6500 m2 chacun dans la même région pour approvisionner sa marque en Origanum Syriacum .

En phase de démarrage, il écoule quelque 750 paquets (de 350 à 450 grammes selon les mélanges) mensuellement, grâce à la vente sur son site internet ainsi qu’à quelques magasins comme The New Earth. Investissement ? Environ 100 000 dollars, la plupart sur fonds propres. Si Fadi Aziz répète vouloir faire ce projet «pour se faire plaisir, pas pour se mettre la pression», il n’en a pas moins les pieds sur terre et vient de réaliser un premier business plan dans le but d'ouvrir son capital à un ou plusieurs investisseurs.

«Pour commencer à gagner de l’argent, je dois écouler quelque 3000 sachets mensuels », reconnaît-il. L’investissement attendue devrait notamment l’aider à industrialiser sa production, pour l'heure 100 % manuelle, et améliorer sa capacité commerciale. « Etre présent dans les filière de distribution classique, les dékkénés voire la grande distribution, exige des capacités commerciales que je ne possède pas».

Avis aux amateurs, The Good Thymes cherche un commercial de choc pour faire du Zaatar libanais et de The good Thymes la référence obligée de toute la région.