Minnesota, année 1990. Le vieil Harry Eide habite la petite ville de Gunflint depuis toujours lorsqu’au seuil de la mort, il quitte son lit pour une destination connue de lui seul. On ne le retrouvera pas. Pour ceux qui l’ont connu, ce dernier voyage, tel un baroud d’honneur, tient autant du suicide que du retour aux sources : vers les terres frontalières qu’il avait arpentées en compagnie de son fils trente ans auparavant.

C’est sans doute pour résoudre l’énigme de ce taiseux que sa dernière compagne, Berit, et son fils, Gus, se racontent celui qu’ils ont connu et aimé. Au fil de cette longue conversation, ils remontent aux origines de la famille et de la ville tout entière, mais surtout à ce moment-clé de l’hiver 1963 quand le père convainquit son fils de partir en canoë explorer les régions sauvages. Aucun homme sain d’esprit ne s’aventurerait en de pareils endroits munis de cartes approximatives et de deux canoës. Harry était-il un père irresponsable ? Qu’est-ce qui l’a poussé ainsi vers les confins, que cherchait-il à trouver ou à fuir ? L’aventure pour l’aventure, « vivre une vie de voyageurs en hiver » ?

L’enjeu n’est peut-être pas aussi simple qu’il veut bien le laisser paraître. Bientôt, ses démons le rattraperont. Ils se chargeront de corser l’aventure et sa relation avec son fils. On le comprend à travers le récit que ce dernier livre de leur épopée. Avec eux, on s’enfonce dans le froid et la solitude des éléments, là où la nature, d’une beauté glaciale, n’est qu’hostilité, où l’homme, ramené à sa condition primaire, doit apprendre à vivre de pêche et de chasse. Ce roman d’aventure intérieure, de transmission silencieuse entre un père et son fils, et de réflexion métaphysique sur le sens d’une vie, est aussi un roman d’amour avec un personnage féminin inoubliable, la constante et dévouée Berit, qui paraît « comme un phare au milieu de cette assemblée de rugueux ».

“L’homme de l’hiver”, Pete Geye, 368 pages, Actes Sud, 24 dollars.