Qui est propriétaire de nos souvenirs, sont-ils notre propriété exclusive ? Qui devient dépositaire de notre histoire quand notre mémoire défaille ?

Ces interrogations de nature métaphysique, Emily Ruskovich n’y répond jamais de manière définitive et c’est sans doute là toute la force de ce premier roman. On ne saura pas pourquoi cet été de 1995, alors que toute la famille était partie en promenade pour ramasser du bois, Jennie, la mère, a commis l’irréparable : l’assassinat de deux de ses enfants, à coups de hache dans un geste aussi fou que soudain.

Neuf ans après les faits, c’est ce que cherche à comprendre Ann, la seconde femme de Wade. Elle va, au risque d’outrepasser les limites de la sphère strictement privée, fouiller le passé de son mari, alors que ce dernier s’en montre désormais incapable : comme son grand-père et son père avant lui, il est atteint d’une maladie héréditaire qui efface progressivement tous ses souvenirs. L’on se prête alors à penser que l’oubli est une chance dans son malheur, car comment survivre à pareil drame ? C’est aussi la question posée à cette mère infanticide qui purge désormais une peine de prison à perpétuité, murée dans sa propre mémoire comme dans le silence.

Roman ambitieux par ses thèmes, déroutant par sa construction, il oscille entre passé et présent, invitant le lecteur à se perdre dans le mystère de la mémoire dont toute tentative d’élucidation est vaine par essence. “Idaho” est le roman de la difficulté de communication entre les êtres, de l’inénarrable, de l’incommunicable. 

“Idaho”, Emily Ruskovich, éditions Gallmesiter, traduit de l’américain par Simon Baril, 23,50 euros.