La place des Canons en 1991
La place des Canons en 1991 Copyright : Joseph Koudelka

Regarder une image de Josef Koudelka, c’est forcément se confronter à un “autre regard”. Il est toujours légèrement déviant. Ce n’est pas du photojournalisme, ni un reportage de guerre. Koudelka n’a aucune démarche naturiste, encore moins humaniste. Tout au plus peut-on dire que, parfois, il s’arrête soudain pour observer : « Je cherche un lieu où m'attend une photo. »

C’est très simple et très compliqué à la fois. Comme un enfantement, il fait exister.

Tchèque, ce maître de la photo noir et blanc a immortalisé l’invasion soviétique de 1968. Josef Koudelka a ensuite choisi de vivre en exil, thème de l’un de ses livres les plus singuliers. « On ne revient jamais de l’exil », a-t-il coutume de dire. Rester, s’arrêter de marcher serait suicidaire.

Un jour, ses pas l’amènent à Beyrouth. On est en pleine guerre en 1991 et la Fondation Hariri l’invite avec certains de ses pairs – Gabriele Basilico, Robert Franck ou Raymond Depardon étaient de la partie – à un petit voyage en enfer.

Quelques années plus tard, entre 2008 et 2012, il revient en Terre Sainte pour se confronter au “mur de séparation” qui balafre les collines de Cisjordanie. « Tchèque, j’étais né derrière le mur. Et pour moi cela signifiait l’enfermement, la cage. J’ai toujours voulu m’y dérober. »

Ce sont ces deux périples qui font l’objet de la magnifique exposition qui a lieu à Dar el-Nimer jusqu’à la fin de l’année en partenariat avec l’agence Magnum, qui le représente.

Ce qu’on y discerne ? Un paysage surmilitarisé : les guérites de soldat y remplacent les oliviers, les centres d’entraînement les villages. Et ce mur de béton armé, sous la pluie délavée, qui s’érige en maître des lieux. Saisies dans des grands tirages panoramiques aux noirs intenses, ces images à la construction compliquée parlent de « comment l'homme contemporain agit sur le paysage et la trace qu'il laisse ».

Ici, il n’y a pas de cicatrisation possible. L’art de Josef Koudelka sert seulement de consolation.

Dar el-Nimer, rue d’Amérique, Clemenceau, jusqu’au 22 décembre.