Quoi de plus romanesque que la figure du loup, du lion ou du tigre ?

Serge Joncour ne s’y est pas trompé. Il les a réunis dans un roman magistral qui entremêle la grande histoire à la petite, le présent au passé, l’homme à la nature…. On est en août 1914. Le tocsin de la grande guerre sonne ; la France mobilise jusqu’au fin fond des campagnes.

À Orcières, un Allemand, dompteur de fauves, pris au piège de « ce grand dispositif de la mort », se réfugie avec ses bêtes sur les hauteurs des causses afin de les soustraire à l’ordre de réquisition. Bientôt s’élèveront des collines « des rugissements sans cesse plus obsédants, des vociférations épaisses » à faire « tourner le lait dans le pis des vaches », à réveiller jalousies, rancunes et superstitions, jusqu’au désir et l’amour d’une veuve.



Comme de coutume, l’étranger devient vite le catalyseur de tous les maux. Un siècle plus tard, sur cette terre qui fut le théâtre de passions et de drames, un couple de Parisiens, en mal d’authenticité, vient passer ses vacances. Là où les téléphones ne captent pas, où la nature et le silence sont souverains, ils feront la connaissance d’un chien-loup et renoueront avec leur nature animale.

Commence alors une expérience initiatique aux accents de fable philosophique.

De qui l’homme est-il véritablement la proie, sinon de ses peurs et fantasmes ? Ne le serait-il pas également des nouveaux jouets qu’il a créés tels les Gafa, ces “prédateurs” des temps modernes qui, sous l’apparence des nouvelles technologies, réveillent les pulsions anciennes et mènent le monde à sa perte ? Ainsi, avec une grande maîtrise de l’art romanesque, c’est toute notre vision du monde que l’auteur interroge dans une langue lyrique, pour nous livrer le portrait d’une époque dont la pseudomodernité sert à dissimuler sa filiation avec des temps bien plus archaïques.

Serge Joncour, “Chien-Loup”, éditions Flammarion, 22 dollars.