Ils sont sept. Ensemble, ils ont lancé Heatechs, une start-up qui vient d’être récompensée du prix Hult Liban, qui valorise dans chaque pays où il est implanté l’entrepreneuriat social et l’innovation.

Tout a commencé il y a environ un an, sur les bancs de l’Université Rafic Hariri à Mechref, près de Saïda. Nagham Ismaïl et Rami al-Khatib sont les heureux titulaires d’un doctorat, le premier en ingénierie mécanique, le second en ingénierie mécanique, électrique et robotique.


Malgré ce niveau d’excellence universitaire, qui leur ouvre une possible carrière d’enseignant, tous deux rêvent d’entrepreneuriat. Cela tombe bien : cette année, pour la première fois, le Hult Prize se déroule au Liban. Des étudiants, issus de 27 universités libanaises, s’y sont inscrits pour défendre des projets d’entrepreneuriat solidaire et social. Doté de 250000 dollars de financement, ce concours, qui dépend de la Hult Business School, est devenu l’une des premières compétitions étudiantes au monde depuis son lancement en 2009.

Pour son édition 2018, c’est Bill Clinton lui-même qui a défini le thème : “Exploiter le pouvoir de l’énergie pour changer la vie de 10 millions de personnes”.


Depuis longtemps déjà, Nagham Ismaïl et Rami al-Khatib ont une idée qui leur trotte dans la tête : développer une “couverture intelligente”, capable d’emmagasiner la chaleur dans la journée pour mieux la diffuser le soir. Ils ont même identifié un matériau, dont ils préfèrent taire le nom de peur qu’on ne leur vole le concept, qui est susceptible de restituer six à huit heures de chauffage lorsqu’on l’intègre à la couverture. Problème ? À deux, le projet est trop gros pour s’en sortir : ils ont besoin de davantage de petites mains et, surtout, d’émulation intellectuelle.


Qu’à cela ne tienne, sur le campus de Saïda, Nagham Ismaïl et Rami al-Khatib ont repéré des étudiants prometteurs. Jawad Haidar, Rabab Kawtharani, Adam Choifi et Rawan Ghalayini sont en licence dans la même discipline que leurs aînés ; Houssam Matbouli, lui, finalise son master. Les trois générations d’étudiants se rencontrent, échangent et décident de tenter l’aventure.


«Comme on se connaissait déjà, on s’est vite sentis comme en famille, surtout pendant les six semaines d’incubation du programme du Hult Prize. On ne s’est plus quittés un seul instant», se souvient Rabab Kawtharani, 20 ans. Car la fondation ne les a pas lâchés : la petite bande a reçu formations et conseils de la part du Hult Prize afin de mieux donner vie à leur projet et lancer leurs premiers prototypes.


Encore fallait-il définir le public ciblé : pour Heatechs, pas de doute. Leur solution doit venir en aide aux réfugiés ou aux populations défavorisées qui vivent dans des logements insalubres ou souffrent des conditions climatiques difficiles, spécialement en hiver. «L’utilisation de notre couverture permet d’éviter les risques incendie ou de fuites de gaz, liées à l’utilisation de poêles ou de chauffages de mauvaise qualité dans les maisons», explique l’un des comparses. Au-delà, la couverture Heatechs peut aussi être utilisée par des particuliers, des hôtels, des hôpitaux, voire des campings.


Le produit est actuellement manufacturé en Chine pour 27 dollars l’unité ; il devrait être revendu 45 dollars. Idéalement, il sera disponible à l’hiver 2019. D’ici là, la start-up, qui a déjà enregistré plus de 5 000 précommandes auprès d’ONG et de particuliers, espère négocier davantage les prix avec son fournisseur.

«Nous nous préparons à participer à de nouvelles compétitions afin de nous faire connaître et de lever davantage de fonds. Comme notre produit est nouveau sur le marché, nous avons besoin de communiquer sur ses bienfaits pour le faire connaître», explique Rabab Kawtharani, qui a repris le chemin de l’école à la rentrée.


«Ce qu’on apprend en cours nous aide à développer davantage notre projet professionnel, mais aujourd’hui c’est avec cette start-up que nous voyons l’avenir», conclut-elle.