“Désintégration”, roman politique et contemporain, analyse comment le mépris des classes dites supérieures engendre la haine. Son héroïne, fille de fonctionnaires, débarque de banlieue pour suivre des études de lettres dans la grande ville. Jobs alimentaires, loyers prohibitifs, sexe expéditif : elle déchantera vite dans une société où la “méritocratie” cache son lot d’inégalités sociales. Bientôt, elle réalise que sans réseau, ses diplômes ne lui serviront à rien. Retour à la case départ. Tu seras vendeuse ma fille !

C’est qu’elle n’est pas bien née, ne possède pas les codes, les fringues de marques, le ton, les gestes. Ces colocataires, des fils de famille lui font bien sentir. À force d’humiliations, la honte de ses origines s’enkyste et se mue en haine. La haine devient un outil d’émancipation, sa réponse au racisme social, un peu de sa dignité recouvrée. Elle les exècre tous ces nantis, leur suffisance, arrogance, leur impudeur qui confine à l’obscène. Désormais, elle les méprise et s’isole. Elle écrit, c’est sa seule balise. Elle se démène, vit une histoire d’amour à laquelle les difficultés du quotidien n’autorisent pas de trêve. « En lisière de pauvreté, en permanence sur le fil de la précarité. »

Dix ans de galère avant que la publication de son premier roman lui ouvre les portes des cercles parisiens. Là voilà qui est passée de l’autre côté de la barrière ; elle est invitée, reconnue. Elle a adopté, non sans une certaine ambiguïté, les références culturelles qu’elle rejetait, trouvé une forme d’apaisement, une place. Sur les traces d’Annie Ernaux, Emmanuelle Richard écrit vrai. Dans une langue musicale et percutante aux accents de rap, le parcours d’une combattante qui aspirait simplement à devenir. Trouver son chemin.

“Désintégration”, Emmanuelle Richard, éditions de l’Olivier, 17 dollars.