Pour qui connaît l’œuvre de Adel Abidin, 45 ans, c’est sans conteste l’humour noir qui vient en premier lieu distinguer son travail. Les “Three Love Songs”, série de vidéos dont certaines ont été exposées par la galerie Tanit il y a deux étés, sont exemplaires de ce regard à la fois sarcastique et distancié. Rappelez-vous : dans l’une d’entre elles, une chanteuse, Britney Spears, en diable, murmurait une ode à la gloire de Saddam Hussein, « lion de l’Euphrate », « père de la nation », qu’il nourrit « d’une main tendre »… Il s’agissait bien sûr de vraies chansons que l’artiste détournait. « Pour aborder des sujets difficiles, mieux vaut faire rire que pleurer », explique l’artiste dans un reportage d’Arte.

Aujourd’hui, l’humour vient à manquer à Adel Abidin. Sur la façade de la galerie, l’artiste irakien, réfugié à Helsinki depuis une vingtaine d’années, a fait afficher “We came to kill your father” (nous sommes venus tuer ton père) comme si on était passé à une autre histoire, bien plus tragique.

La phrase est là encore véridique : elle fut prononcée, pendant la guerre civile finlandaise, par des assassins venus tuer le père d’une jeune fille qui s’apprêtait à leur ouvrir son domicile.

Un siècle plus tard, les hommes continuent de venir frapper aux portes et les massacres se perpétuent, sans que l’humanité n’en tire de leçon. « Should anything uncomfortable arise from history to disrupt you ? You can just wipe it off » (si quelque chose de désagréable surgissait de l’histoire et vous perturbait, essuyez simplement), précise d’ailleurs la voix off de “History Wipes”, une vidéo qui rassemble des images d’archives, issues du net, de massacres. « Comment pouvons-nous nous construire lorsque l’histoire est seulement documentée et manipulée par les vainqueurs, les plus forts ? La question est, en fin de compte, de savoir quelles histoires on nous raconte ou quelle histoire nous propageons », précise l’artiste sur son site. Une forme de “Politically Correct”, le nom d’une autre installation présentée à Tanit, dans laquelle cette expression se répète jusqu’à être écrasée en un amas de lettres incompréhensibles.

Galerie Tanit, Tél. : 01/562812, jusqu’au 20 mars 2019.