Il y a 8000 ans, le Doggerland, une île en mer du Nord, reliait l’actuelle Grande-Bretagne au Danemark. Jusqu’au tsunami dit “Storegga” qui a tout englouti : forêts, marais, hommes et animaux, plus rien n’est resté.

C’est ce sujet qui sert de toile de fondà ce nouveau roman d’Élisabeth Filhol. Scientifique de formation, l’écrivaine poursuit ici sa réflexion sur le monde du travail et nous fait partager ses préoccupations écologiques.

Pour l’illustrer, l’écrivaine a choisi un couple: d’un côté, Margaret Ross, une géologue britannique dont la recherche porte précisément sur cette île disparue, de l’autre Marc Berthelot, un Français, ingénieur pétrolier. Leur relation tiendra le temps d’un programme d’échange étudiants.

Vingt ans plus tard, alors que leur vie les a éloignés, ils sont censés se revoir à l’occasion d’un colloque. Mais la tempête Xaver, qui « grandit et se déploie telle une puissance mythologique », rend incertaine leur retrouvaille.

Pour chacun commence alors un temps d’attente et de doute propice à l’introspection ; l’occasion de revisiter leurs souvenirs, d’interroger leurs choix et leurs trajectoires. À travers eux, la question est la même pour tous : celle de la place de l’Homme.

« Ce que les Mésolithiques savaient avant nous, sans avoir besoin d’être géologues, biologistes ou astrophysiciens, d’un extérieur à l’Homme dans lequel il s’inscrit, qui tôt ou tard, quoi qu’il arrive, quoi qu’on fasse, reprendra la main, et le virage que négociera alors le vivant qui a déjà connu d’autres extinctions massives, on ne sera pas là pour le voir. »

Toujours la nature dicte sa loi, reprend ses droits et toujours l’homme fait mine de l’oublier. Les strates géologiques sont ici les témoins et métaphores des vies humaines, de leur fragilité, de l’imprévisible.

À l’heure des menaces environnementales, Élisabeth Filhollivre un roman-ovni “écologico-scientifico-géologique”, résolument moderne. Un pari ambitieux et réussi.

“Doggerland”, Élisabeth Filhol, éditions POL, 20 dollars.