Le problème – Une société pharmaceutique emploie des représentants médicaux qui font la promotion des produits de l’entreprise auprès des médecins dans les diverses régions du territoire libanais. Pour contrôler les déplacements de ses salariés itinérants, l’entreprise veut installer une application de géolocalisation GSM sur leur téléphone portable qui lui permet de connaître leur position géographique en temps réel. Les employés aimeraient savoir si cette démarche est légale.

Le conseil de l’avocat La géolocalisation est une technologie associée à un traitement de données personnelles, qui a pour but de déterminer la localisation d’un objet ou d’une personne. Ce dispositif, par le biais d’un système GPS ou GSM, permet de suivre en temps réel le positionnement d'un salarié via le véhicule ou le téléphone portable mis à sa disposition par l’entreprise. La géolocalisation constitue donc un outil de traçage de l’employé. Elle a pour but de garantir la sécurité des marchandises transportées ou de permettre à l’entreprise de contrôler les déplacements de ses salariés.

Or, la géolocalisation comporte des risques inhérents à la liberté d’aller et de venir, et à la vie privée des employés qui est un principe à valeur constitutionnelle (décision du Conseil constitutionnel libanais n° 2/1999). Conscients de ces risques et animés par la volonté de préserver les droits fondamentaux du salarié, de nombreux pays ont ainsi encadré les modalités de mise en œuvre des dispositifs de géolocalisation par les employeurs.

Au Liban, il n’existe pas à ce jour de législation en la matière sachant que le code du travail date de 1946 et n’a connu que très peu d’amendements depuis.

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De même, les tribunaux libanais n’ont pas eu à trancher de litiges liés à cette utilisation. Par contre en France, la géolocalisation des salariés est légale en principe, sous réserve de respecter certaines conditions édictées par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) en vertu de la nouvelle norme du 4 juin 2015.

Ainsi, les employés doivent avoir accès aux données les concernant (dates et heures de circulation, trajets effectués, etc.). En outre, la CNIL interdit à l’employeur de collecter des données de localisation en dehors du temps de travail du salarié, notamment lors des trajets effectués entre son domicile et son lieu de travail, ainsi que pendant ses temps de pause. Le salarié doit également être autorisé à désactiver la fonction de géolocalisation pendant ces périodes.

Enfin, l’article L1121-1 du code du travail français oblige l’employeur à pouvoir justifier la mise sous surveillance de ses salariés, par la nature de la tâche à accomplir.

Toutefois, la légalité d’un tel dispositif doit être évaluée à l’aune de la réglementation européenne en matière de protection des données, notamment le règlement no 2016/679, dit Règlement général sur la protection des données (RGPD). Entré en vigueur depuis le 25 mai 2018 au sein de l'Union européenne, le RGPD a été conçu pour fournir plus de contrôle aux individus sur la manière dont leurs données personnelles sont collectées, stockées, transférées et exploitées. Il établit les lignes directrices destinées aux entreprises et aux entités publiques qui traitent les données à caractère personnel et identifiables de ressortissants de l’Union européenne.

Ainsi, les données personnelles ne peuvent être recueillies qu'à des fins spécifiques, explicites ou légitimes. La collecte de données doit être limitée à celles qui sont pertinentes et nécessaires pour l'utilisation prévue. Sauf exception justifiée, les données personnelles ne doivent être conservées que pour une durée jugée nécessaire et raisonnable.

Pour qu’un dispositif de localisation soit licite en vertu du RGPD, le chef d’entreprise doit veiller à informer les salariés de l’existence d’un traitement de leurs données de localisation et des finalités dudit traitement. Une signature de l’employé est donc requise pour que le consentement soit valable.

La mise en œuvre du dispositif de géolocalisation doit également être justifiée par l’activité de l’entreprise. Outre l’information des salariés, d’autres démarches importantes doivent être envisagées telles que la mise en place de mesures de sécurité adéquates permettant de protéger toutes les données de localisation. Enfin, il convient d’instituer des contrôles destinés à empêcher l’utilisation des données de localisation par des tiers non autorisés et pour d’autres finalités que celles prévues initialement.

Tout employeur devrait prendre des précautions avant l’installation d’un logiciel de géolocalisation sous peine de s’exposer à des poursuites de la part de ses salariés. À défaut de législation en la matière, les entreprises libanaises pourraient s’inspirer des mesures édictées dans les normes européennes ci-haut mentionnées afin d’éviter les abus.