C’est un récit presque aussi vieux que l’humanité : un couple qui se désunit, une amitié rongée par une jalousie maladive et un bébé qu’on abandonne, soupçonnant sa femme d’adultère et l’enfant de n’être pas son fils. Cette histoire, Shakespeare (1564-1616), auteur du “Conte d’hiver”, l’avait déjà magnifiée au XVIIe siècle.

Mais voilà que Jeanette Winterson se la réapproprie dans “La faille du temps”, à la demande des éditions anglo-américaines Hogarth qui ont sollicité des écrivains contemporains comme Jo Nesbo, Tracy Chevalier ou Margaret Atwood pour revisiter certaines des pièces de l’auteur de Hamlet.

Avec Jeanette Winterson, le roi Léonte devient Léo, un baron de la finance, sa femme Hermione, une chanteuse à succès, et son meilleur ami, Polixène, un xéno créateur de jeux vidéo.

Léo jaloux de sa femme qu’il croit enceinte de son meilleur ami lui enlève le nourrisson, qu’il éloigne outre-Atlantique, abandonnant ainsi sa propre fille. Que deviendra cette enfant, Perdita, ainsi nommée par l’homme qui l’a recueillie pour l’élever ?

« Le passé est une grenade qui n’explose que quand on la lance », lit-on dans le roman de Jeanette Winterson. À cette aune-là, il se pourrait bien que Perdita soit tentée de jouer avec le destin. À moins que ce ne soit l’inverse, ce dernier qui toujours s’amuse de nous, tel le ressac, nous ramenant à l’origine.

Roman féroce, autant que terriblement humain, il se veut à l’image de la vie. « De la tragédie. Du désastre. De la calamité. De la catastrophe. De l’horreur. De la ruine. De la misère. Du malheur. Du terrible. Du faux. Du fâcheux. La vie est comme ça. Elle est tragique, parce qu’il existe aussi la gloire, le hasard, l’optimisme, le courage, le sacrifice, la lutte, l’espoir, la bonté. » 

“La faille du temps”, Jeanette Winterson, traduit de l’anglais par Céline Leroy, éditions Buchet-Chastel, 24 dollars.