John Harper, c’est l’antihéros par excellence. Un de ces personnages paumés comme les aime la littérature. Né d’une mère mexicaine et d’un père qu’il fantasme sous les traits de Robert Redford, il s’invente une histoire héroïque en matant des westerns comme “Butch Cassidy and the Sundance Kid” en boucle. Gamin, il se rêve en torero auréolé de gloire. Quand, finalement, il entre dans l’arène, il ne manque ni de panache ni d’agilité, « il résume la révolution néolithique avec une grosse paire de couilles et un bout de chiffon ». Corones et muleta, il aurait pu réussir. Sauf qu’il est et restera un torero blond. Une erreur de casting, en somme : ni tout à fait torero ni vraiment cow-boy. Matador Yankee, il insulte la légende et le paiera au prix fort.

Bientôt, pris au piège d’une dette de jeu, notre looser désabusé deviendra la bête traquée de truands lancés à ses trousses. Commence alors un roadtrip à un rythme effréné jusqu’à Tijuana. Cette ville étouffante que le héros connaît bien pour avoir longtemps grandi à la frontière. Sa vie coincée entre les États-Unis et le Mexique, deux pays dont la relation d’amour et de haine n’en finit pas de déchirer leurs peuples, d’attiser l’incompréhension et le rejet sur lesquels des gouvernants spéculent pour ériger le mur de séparation.

Entre western et roman noir, c’est tout le charme de ce livre remarqué, de jouer sur le paradoxe de la double culture mexicano-américaine pour mieux bousculer les représentations qui y sont attachées. Sous ses airs de ne pas y toucher, il s’infiltre dans cet espace propice au romanesque avec un sens poussé du cocasse et de l’humour. 

« Matador Yankee », Jean-Baptiste Maudet, éditions Le Passage, 20 dollars.