On voudrait croire que l’assertion appartient à un chapitre passé de l’histoire des États-Unis (ou de l’humanité). Il n’en n’est rien évidemment. Le racisme et ses corollaires, en termes de communautarisme, perdurent toujours, quand bien même ils prendraient de nouveaux visages.

Danzy Senna sonde les répercussions intimes de l’histoire raciale des États-Unis depuis ses premiers écrits.

Dans son dernier roman, aussi caustique qu’intelligent, elle choisit d’aborder la question de l’identité au travers de l’histoire d’une métisse et de son couple. Maria, adoptée par une universitaire aussi noire de peau que sa fille est claire, est obsédée par la question des origines. Khalil représente pour elle le compagnon idéal, « celui qui peut la réparer » dans sa quête d’identité.

Il a grandi dans les quartiers huppés de l’Upper East Side à New York et cultive son côté afro à coups de dreadlocks. Ils se rencontrent à l’université de Stanford (Californie) où ils militent en reprenant à leur compte des slogans du militantisme noir.

Quelques années plus tard, ils s’installent dans l’enclave bohème de Brooklyn, alors en pleine phase de gentrification. Sur le papier, ils incarnent le couple en vogue de cette société artistico-intellectuelle que l’auteure s’emploie à tourner en dérision avec brio ; leur métissage, l’archétype d’un nouvel idéal permettant de dépasser la division entre blanc et noir sur laquelle l’Amérique s’est établie.

Dans la réalité, ils sont devenus un cliché d’eux-mêmes, pris au piège des représentations qu’ils dénoncent et ne font que déplacer sinon reproduire. Maria, rongée par son fantasme d’authenticité raciale, s’entiche alors d’un poète noir qu’elle se met à espionner au point de perdre contact avec le réel et de mettre en péril tout l’édifice qu’elle avait mis tant de soin à construire. Quand l’identité devient névrose et le roman un thriller psychologique impossible à lâcher.

Nouveaux visages”, Danzy Senna, Actes Sud, 23 dollars.