Classée parmi les 15 femmes de moins de quarante ans les plus influentes du secteur bancaire par le magazine American Banker, la directrice générale des investissements stratégiques à Goldman Sachs, Rana Yared, est l’une des plus jeunes associés de la banque. Rencontre. 

Plus jeunes associées de Goldman Sachs, Rania Yared rêvait de pâtisserie au début de sa carrière
Plus jeunes associées de Goldman Sachs, Rania Yared rêvait de pâtisserie au début de sa carrière

«Propriétaire d’une petite pâtisserie». C’est ce qu’avait répondu Rana Yared quand on lui avait demandé, lors de son entretien d’embauche chez Goldman Sachs, où elle se voyait dans dix ans. «La personne qui dirigeait l’entretien m’a regardé comme si j’étais folle et m’a dit : rejoins nos équipes pour deux ans, nous parlerons de ta pâtisserie ensuite» se souvient-elle.

Treize ans plus tard, elle est directrice générale des investissements stratégiques et, à 35 ans, l’une des plus jeunes associées de la banque. «J’ai eu beaucoup de chance», dit-elle avec humilité, en nous recevant dans son bureau au siège de la banque, dans le Financial District de Manhattan.

Libanaise d’origine, la jeune femme habite aux Etats-Unis avec sa famille depuis l’âge de cinq ans, mais tient à s'exprimer en français. «Elle aime le challenge», chuchote l’un de ses collègues.

C’est sans doute son sens du défi qui l’a aidé à décrocher deux diplômes à l’Université de Pennsylvanie, l’un en relations internationales et l’autre en économie, et son premier poste d’analyste chez Goldman Sachs à New York en 2006. Deux ans plus tard, elle rejoint les bureaux londoniens de la banque d’investissement et poursuit en parallèle un master en relations internationales, sa « passion », à la London School of Economics and Political Science.

En 2013, elle décide de rentrer à New York, sans vouloir en préciser la raison. «Une décision qui a changé ma carrière», confie-t-elle néanmoins. «On m’a proposé de faire des investissements stratégiques pour la banque, en finançant des start-ups de la fintech, la technologie appliquée à la finance, en série A et en série B». Vice-présidente, elle reprend en main une activité existant, au sein de Goldman Sachs, depuis 1999.

Pour mener à bien sa mission, son employeur l’a doté d’une équipe de 22 personnes : 14 à New York et 8 à Londres. «Une petite équipe à grand impact », dit-elle avec fierté. A ce jour, Goldman Sachs a injecté des fonds dans 76 start-ups pour un montant total de 1,5 milliard de dollars. La rentabilité des investissements réalisés varie « entre 5 et 25 % selon les entreprises», se félicite Rana Yared, qui siège actuellement au conseil d’administration de sept start-ups (NAV, Nutmeg, Vestwell, Barefoot, LookingGlass, NYSHEX, swapclear).

Cela suppose beaucoup de voyages, et de nombreuses heures passées dans des avions entre Londres, New York, et San Francisco, où se niche la Silicon Valley, mais lui procure aussi une grande satisfaction. L’une de ses plus grandes «fiertés», est Tradeweb, une entreprise de services financiers internationaux, qui a fait son entrée en bourse (IPO, initial public offering) au Nasdaq en avril 2019. «Nous avons travaillé très dur pendant dix ans pour arriver à ce moment-là, dit Rana Yared. L’introduction a été un grand succès, la compagnie a levé 1,1 milliard de dollars».

Autre réussite : Kensho, qui propose des solutions d’analyse financière basée sur l’intelligence artificielle. «C’est une start-up que j’ai trouvé et que nous avons vendu, selon les rapports publics, à 550 millions de dollars, en mars 2018», raconte-t-elle. Au-delà de sa capacité à flairer les bonnes affaires, la banque mise sur sa capacité de jugement et de réflexion sur les technologies de demain.

Parmi les grands sujets sur lesquels elle est amené à réfléchir : les cryptomonnaies. «En tant qu’équipe chargée des investissements et de la stratégie, on nous a demandé de formuler la position de Goldman Sachs sur le bitcoin nous avons donc discuté avec des centaines de compagnies et d’experts», explique-t-elle sans vouloir en dévoiler davantage. Fin juin, David Solomon, le CEO de Goldman Sachs, a laissé entendre au quotidien français “Les Echos” que la banque qu’il dirige pourrait emboîter le pas à JP Morgan qui a lancé sa propre monnaie virtuelle début 2019. 

Pour le magazine Fortune en tout cas, Rania Yared  figure parmi les plus grands acteurs de la blockchain et de la fintech de moins de 40 ans.

«Le fait d’être la première femme dans ce classement est une fierté pour moi, confie Rana Yared. Je sais aussi que c’est une responsabilité et que par ma position et mon attitude je peux inspirer des jeunes filles». « Les femmes, en général, pensent qu’elles doivent être irréprochables pour prendre position, ou maîtriser parfaitement un sujet avant de pouvoir donner leur avis, ce qui les freine souvent dans la prise de parole lors des réunions, ajoute Rana Yared. Nous devons avoir confiance en nous, en ce que nous savons, et ne pas avoir peur de nous exprimer».

De nature pourtant discrète, la jeune femme s’est faite remarquer par la presse américaine. En 2019, American Banker fait d’elle l’une des 15 femmes de moins de quarante ans les plus influentes du secteur bancaire. «Notre département de relations publiques est excellent», dit-elle en riant pour justifier son succès, avant de reconnaître plus sérieusement avoir «travaillé très dur».

Le travail est, pour elle, la clé du succès, mais elle n’en oublie pas la finalité. «Dans le monde des affaires, on a parfois tendance à occulter l’impact que peuvent avoir nos actions sur les citoyens, les individus. Nous avons, parmi nos clients, des compagnies d’assurance ou des fonds de pensions dont dépendent des milliers de personnes. Nous devons être conscients de l’impact de notre travail sur les gens», conclut-elle.


Bio Express

Née en 1984, à Jeddah, de nationalité libanaise

2006 : Diplômée de l’Université de Pennsylvanie économie et finances, et relations internationales

Juillet 2006 : Rejoint Goldman Sachs à New York en tant qu’analyste

Août 2008 : Rejoint Goldman Sach à Londres

Septembre 2012 : Maitrise en relations internationales de LSE

Novembre 2013 : Devient directrice générale dans la division des titres à New York

1er janvier 2019 : devient l’une des plus jeunes associées de Goldman Sachs.