Une nuit, Uqsuralik sort de l’igloo, la banquise se fend, l’eau s’engouffre dans la faille qui s’élargit jusqu’à ouvrir un chenal, séparant à jamais la jeune fille de sa famille, restée de l’autre côté de la plaque de glace. Son père alerté par le bruit de craquements a, à peine, le temps de lui lancer un harpon et une peau d’ours que la brume l’a déjà engloutie. Livrée à elle-même, au froid, à la faim et à la solitude, elle devra apprendre à s’adapter pour survivre, vivre de chasse et de pêche dans cet univers blanc extrême de l’indlandsis. Commence pour elle un parcours initiatique, jalonné de rencontres, de rêves et d’épreuves, bercé par les chants inuits, les rituels ancestraux et les croyances chamaniques.

C’est l’histoire d’une émancipation, d’une femme et de son peuple que nous conte Bérangère Cournut. Après avoir donné voix aux Amérindiens Hopi dans “Née contente à Oraibi”(Le Tripode, 2017),elle poursuit son travail d’exploration des peuples nomades, donnant ici à découvrir la richesse d’une culture menacée, de laquelle l’homme sédentaire a beaucoup à apprendre, lui qui entretient avec la civilisation inuit un rapport ambigu de fascination-répulsion. Les hommes blancs pétris d’ignorance qui croient pourtant tout savoir : « Les Blancs sont aveuglés par la poudre quand il neige, mais ils savent mieux que nous d’où viennent les bruits, le gibier et le vent. » « Ils viennent, ils s’imprègnent et puis, un jour, ils repartent et s’enfouissent dans leur terre lointaine… Ces gens habitent et colonisent un imaginaire qui ne leur appartient pas.» Avec “De pierre et d’os” couronné du prix FNAC 2019, l’auteure nous jette un sort. Ouvrir ce roman, c’est entamer un voyage en Arctique et au-delà, à la fois humain, spirituel et littéraire, en terre de poésie, de grâce et de beauté.