Trois questions à Nadine Begdache, propriétaire et directrice de la galerie Jeanine Rubeiz. 

Quelle est la genèse de l’exposition intitulée “17 octobre 2019” ?

Lorsque le mouvement de contestation du 17 octobre a débuté, j’ai réalisé que nous partageons tous une même volonté de changer la société libanaise. Nous avons tous en commun un espoir, celui de voir se concrétiser le Liban dont nous rêvons depuis de nombreuses années.

Ces attentes s’étaient déjà manifestées dans le passé : il faut se souvenir que la jeunesse s’était mobilisée en faveur de la démocratie et de la liberté dans les années 1980, malgré la guerre civile. Et qu’en 2005, le pays avait connu une première phase de révolution, pour dire “non” à la présence syrienne. Mais la génération qui manifeste aujourd’hui dans tout le pays m’a subjuguée par sa maturité politique, son dynamisme et l’intelligence de ses slogans. C’est pourquoi il m’a semblé nécessaire de soutenir les artistes qui en émergeaient.

Comment avez-vous mis en œuvre ce projet ?

La galerie a d’abord organisé un appel à candidature sur les réseaux sociaux en invitant les artistes, qui souhaitaient s’exprimer autour de la révolution, à participer à cette exposition collective. Avec une vraie volonté d’ouverture : tous les médias et les formats étaient permis. Nous avons ensuite opéré une première sélection avant de rencontrer leurs auteurs. Naturellement, certains artistes de la galerie se sont joints à cette initiative. Mais, pour la plus grande part, ce sont de jeunes artistes, nés avec la révolution. L’exposition, qui a débuté avec la révolution, évolue : en janvier, elle présente toute une nouvelle sélection de 30 œuvres.

Comment les artistes s’inspirent-ils du mouvement de contestation pour créer et faire évoluer leurs œuvres ?

C’est une expression spontanée qui a amené de nouveaux artistes – certains autodidactes, d’autres encore étudiants – à s’exprimer.

Certaines œuvres ont été réalisées sur le lieu des manifestations ou à partir de matériaux trouvés in situ. Mais loin d’être figé, ce mouvement est appelé à évoluer. Les dialogues qui se nouent entre artistes confirmés et plus jeunes pourraient, par exemple, conduire à l’élaboration de projets au sein de la galerie. En définitive, l’art se révèle aussi une forme d’écriture de l’histoire. Je suis sûre que ce mouvement, que nous accompagnons à la galerie, va laisser des traces et que c’est un momentum historique pour le pays.

Galerie Jeanine Rubeiz, Tél. : 01/868290.