Houda-Kassatly2
Houda-Kassatly2

Durant mon adolescence, la guerre civile au Liban a constitué ma première expérience du confinement. Outre celui qui était dicté par la nécessité de se protéger des bombardements en se calfeutrant dans des abris, il y avait le confinement obligé dans un pays tronqué, dans une région quadrillée et un quartier d’une seule couleur et d’une seule identité. J’ai très vite refusé de me conformer à la grille de lecture qui s’imposait alors et qui désignait l’autre comme l’ennemi, l’autre étant le Palestinien, le musulman… en bref, celui qui était différent.

C’est sans doute dans ce confinement premier qu’il faut retrouver l’origine de mes études d’ethnologie, lesquelles sous-tendent, comme préalable à toute recherche, la mise en place d’un “terrain” qui mène le chercheur à partager une culture qui lui serait totalement étrangère.

Personnellement, je n’ai pas ressenti le besoin de chercher cette altérité dans des confins, de traverser des pays et des continents pour la trouver. J’ai considéré que je pouvais la rencontrer à l’intérieur même des frontières de mon si petit pays, le Liban. Et c’est ainsi que, pour les besoins de mes recherches, mon terrain d’étude s’est porté sur ce qu’on appelait avec Samir Kassir « les extrêmes si proches » et plus particulièrement sur un village chiite du sud du Liban. En partant à la rencontre de cet “autre” auparavant interdit, je me suis échappée durablement du confinement, dans lequel la guerre me tenait toujours.

L’ensemble de mes recherches et de mes travaux photographiques ultérieurs s’est inscrit dans cette démarche première. Ainsi, mon travail sur les camps palestiniens ou syriens, que la galerie Alice Mogabgab expose en ligne en ce moment, en est une autre illustration. Il évoque ce “provisoire qui dure” – ce confinement forcé et permanent – que connaissent depuis trop longtemps ces populations. En cela, ce que nous vivons aujourd’hui et qui nous fait expérimenter l’enfermement à l’échelle de l’humanité devrait nous interroger sur ce que nous faisons subir à “l’autre”, qui s’incarne principalement dans la figure du migrant.

Galerie Alice Mogabgab, exposition en ligne Houda Kassatly “Les camps de réfugiés, l’insoutenable précarité” jusqu’au 23 mai.