Trois questions à Riad Obegi, PDG de la banque Bemo et auteur du Certificat hypothécaire Obegi. 

Qu’est-ce que le CHO et comment en avez-vous eu l’idée ?

L’idée du Certificat hypothécaire Obegi est née en 2008 au moment où le Liban cherchait à obtenir une aide internationale. Je me suis demandé pourquoi recourir à des fonds étrangers lorsqu’on a du capital non utilisé, sous forme de biens immobiliers ? J’en ai fait le sujet de ma thèse de doctorat à l’université Lumière Lyon 2, publiée en 2009.

Le concept est simple : le propriétaire d’un bien immobilier peut obtenir auprès d’une agence créée à cet effet un certificat hypothécaire d’une valeur inférieure à la valeur réelle du bien. Le CHO pourra ensuite être déposé auprès d’une banque pour une durée de moins d’un an, en échange d’une rémunération inférieure à celle payée sur un dépôt normal, car il n’y a pas de coût d’opportunité. Le déposant peut ainsi continuer à disposer de son actif, mais il encourt le risque de saisie du bien en cas de faillite de la banque. À son tour, celle-ci utilise ce cautionnement réel pour se financer auprès de ses pairs, à des conditions plus favorables, et accroître les crédits aux agents économiques.

Nous avons souhaité que le CHO soit déposé pour une courte période, car les prêts interbancaires sont généralement à court terme et pour ne pas effrayer les investisseurs. L’objectif étant de mobiliser les plus de 2 millions de biens immobiliers du Liban pour soutenir la croissance économique.

Vous proposez désormais un CHO-Pro. Quelles différences avec le CHO traditionnel ?

La mise en place du CHO nécessite l’adoption d’une loi, dont le texte a été proposé en 2019 au Parlement. Il faut par exemple une agence pour valoriser les biens immobiliers et un arrangement avec le Trésor pour la question de l’impôt. Mais les députés sont actuellement trop occupés pour débattre le CHO.

Nous avons donc imaginé un CHO-Pro, qui pourrait être lancé avec une simple circulaire de la BDL. Contrairement à la version traditionnelle, la version Pro n’est pas un outil grand public. L’instrument est limité à des investisseurs aguerris, le risque lié à cette version étant équivalent à celui d’une obligation subordonnée et non pas à un dépôt normal. En effet, la garantie immobilière sera déposée pour une période allant de 5 à 7 ans, en échange d’une rémunération de 3-4 %. Son statut d’instrument « à petite échelle et de longue durée » fait que nous n’avons besoin ni d’une agence pour évaluer la valeur de chaque bien immobilier ni d’un impôt spécifique, puisque les biens hypothéqués sur une longue période sont déjà taxés.

Quel intérêt pourrait avoir cet instrument dans le contexte de crise actuelle ?

Les garanties CHO-Pro déposées auprès des banques seraient ajoutées au capital de deuxième catégorie (capital secondaire moins liquide, NDLR). Cela permettrait aux banques d’améliorer leurs ratios de solvabilité et donc de libérer du capital pour octroyer des crédits. Selon nos estimations, les banques pourraient offrir dix fois le montant de chaque garantie immobilière sous forme de crédit. Or, la quantité de crédits dans une économie est corrélée au niveau de croissance économique.

Nous avons conduit une simulation sur trois banques libanaises de tailles moyennes, la BBAC, la FNB et Bemo. Le constat est clair, le CHO-Pro peut augmenter de 30 % les profits des banques, tout en offrant aux agents économiques plus d’opportunités. Notre instrument pourrait redonner aux investisseurs locaux et internationaux confiance dans les banques libanaises, en les rendant plus solides et plus saines, tout en leur permettant de contribuer à relancer la croissance. De nombreux investisseurs voient dans la crise actuelle une opportunité pour réaliser certains projets et veulent emprunter, mais la majorité des banques n’arrivent pas à débloquer des crédits, d’où l’importance de cet instrument.