Selon une étude réalisée par des chercheurs, cartographes, et scientifiques bénévoles, les autorités sanitaires se basent sur des chiffres erronés, sous-évaluant les niveaux de risque Covid-19

Capture d'écran du tableau de bord, site officiel de la taskforce
Capture d'écran du tableau de bord, site officiel de la taskforce

Selon une étude réalisée par OpenMapLebanon, une communauté de chercheurs, cartographes, et scientifiques bénévoles défendant l’open data, les données utilisées par les autorités pour décider des mesures d’endiguement face à l’épidémie de la Covid-19 sont erronées.

Pour évaluer les risques et décider de mesures éventuelles de confinements localisés, le gouvernement se base sur le nombre de contaminations rapporté à la population. Or, surprise, en additionnant les estimations du nombre d’habitants pour chaque mohafaza disponible sur le site officiel, la population totale du pays grimpe à 10,6 millions. Si le Liban ne réalise pas de recensement officiel, le chiffre dépasse largement les estimations actuellement disponibles. « La population libanaise est surestimée globalement de 50 à 75%. Par conséquent, les niveaux de risque Covid-19 sont largement sous-évalués, puisqu’ils sont calculés en divisant le nombre de cas de Covid-19 par la population d’une zone», explique Dr. Maroun Bou Sleiman, membre de OpenMapLebanon, et chercheur à l’école polytechnique fédérale de Lausanne, qui a co-écrit le rapport.

Lire aussi : La communauté tech se mobilise pour Beyrouth

Une découverte qui serait seulement « aberrante » si elle n’avait pas de conséquences sur les mesures de lutte contre l’épidémie. « Les politiques publiques pâtissent de l’absence de rigueur scientifique et de transparence, poursuit le chercheur. On ne connait pas la méthodologie adoptée par l’Etat, mais la base de données n’est clairement pas fiable ».

Dans son rapport, OpenMapLebanon a comparé les chiffres officiels de la population dans les différentes localités aux estimations fournies par Dataset Facebook, révélant des écarts significatifs. « Dataset Facebook se base sur des images de haute résolution satellite et sur l’intelligence artificielle. La densité de population est ensuite estimée par rapport aux bâtiments détectés, et le résultat calibré en fonction des données les plus récentes de l’Administration Centrale des Statistiques. Cela ne remplace pas un vrai recensement, mais c’est une méthodologie scientifique qui permet de se rapprocher de la réalité ». explique-il.

Lire aussi : L’application libanaise de traçage du virus enfin sur les rails

Ainsi, selon les autorités, Beyrouth compterait 1,1 million d’habitants, contre 495.000 selon les données de Dataset Facebook, soit une surévaluation de 80%. Dans le Akkar l’écart est encore plus important. La population est estimée à 68.874 individus par le gouvernement, contre 11.409 par Dataset Facebook, ce qui signifierait que le ratio de contaminations par rapport à la population serait en réalité cinq fois plus élevé.


« Dans la plupart des régions, le niveau de risque est sous-évalué. Les Libanais sont en droit de le savoir », souligne Dr. Maroun Bou Sleiman. Un cas d’école pour Open Map Lebanon qui milite pour la transparence des données. « Au delà de la crise sanitaire, les citoyens doivent avoir accès à toutes les données publiques, c’est une question de responsabilité politique », conclut-il.