La société Shreek compte relancer l’offre de crédits, alors que celle-ci est quasiment à l’arrêt depuis que les banques n’en octroient plus.

Capture d'écran du site de Shreek, une «alternative aux banques».
Capture d'écran du site de Shreek, une «alternative aux banques».

Voir dans la crise une opportunité. C’est le cas de Shreek («partenaire» en arabe), qui se définit comme la première «coopérative financière» au Liban même si ce concept n’existe pas encore dans le droit local.

A défaut, la dizaine de personnalités du monde économique et social, dont l’économiste Jad Chaaban, qui l’ont fondée, l’ont donc enregistrée au registre des sociétés civiles. «Shreek se pose comme une alternative aux banques traditionnelles», souligne ce dernier. N’étant ni une banque ni une institution financière, Shreek échappe d’ailleurs au contrôle de la Banque centrale.

Des sociétaires, pas des actionnaires

La nouvelle institution suit malgré tout un modèle : celui du crédit mutuel largement développé dans le monde au sein de l’économie sociale et solidaire. De fait, le capital de Shreek n’appartient pas à des actionnaires, mais à des sociétaires, qui sont à la fois les clients et les propriétaires de l’établissement.

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«Nous voulons bien sûr faire des profits pour assurer le bon fonctionnement de notre institution, mais notre modèle est davantage celui d’une "banque sociale" : on se situe à mi-chemin d’une organisation à but non lucratif et d’un établissement bancaire classique», explique Jad Chaaban.

Tous ses sociétaires bénéficieront d’un droit de vote égal pour désigner le conseil d’administration, chargé de décider de la politique de l’institution, quelle que soit la hauteur de leur participation.

La nouvelle institution, qui doit officiellement démarrer fin janvier sur le web, propose quelques services financiers classiques : octroi de prêts, émission de cartes de débit prépayées en dollars, utilisables au Liban et à l’étranger et rémunération de participations. En revanche, elle ne prévoit pas d'ouverture de comptes courants, d'émission de chéquiers, de domiciliation de salaire ou de prélèvement automatique pour le paiement de certaines factures.

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Shreek a d’ores et déjà reçu plus d'une cinquantaine de demandes et vise à fédérer un millier de sociétaires d’ici fin 2021. Ses futurs sociétaires ont cependant besoin d’être cooptés par au moins un membre déjà adhérent pour accéder à ses services.

Leur dossier accepté, ils doivent ensuite s’acquitter de 100.000 livres libanaises de frais d’enregistrement annuels. La participation minimum requise, en termes de dépôt, s’élevant à un million de livres libanaises ou à 500 dollars, pour une rémunération d’environ 5% par an.

Mais c’est surtout dans l’octroi des crédits que Shreek se distingue. Pas question ici de crédits immobiliers ou à la consommation. La nouvelle institution financera uniquement des projets de l’économie productive, destinés à soutenir les secteurs industriel, agricole, voire de l’économie tertiaire (les services) «s’ils servent à exporter, assure Jad Chaaban. Notre ambition est en effet d’être un outil qui aide à relancer l’économie».

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Les prêts octroyés varieront de 3 à 30 millions de livres libanaises et de 1000 à 20.000 dollars, remboursables dans un délai pouvant aller jusqu'à trois ans.

Un financement diversifié

Pour les financer, Shreek envisage d’abord d’investir les fonds de ses sociétaires dans le secteur agricole ou agro-industriel. «Les participations à long terme seront notamment utilisées pour acheter des produits agricoles, un an à l'avance, par le biais de contrats spécifiques avec des producteurs. Ces derniers se chargeront de les revendre et nous reverserons ensuite une part des bénéfices générés», indique Jad Chaaban. Principalement concernées : les productions de miel, d’huile d’olive et de vins « toutes bénéficiant de bons prix à la revente».

Shreek compte ensuite sur des prêts externes, accordés par des organisations internationales, à des taux préférentiels (autour de 1 à 3%). Ces financements lui permettront d’assurer des crédits à des taux légèrement supérieurs, autour de 5 à 10%. Le différentiel aidant l’institution «à couvrir les coûts opérationnels tout en gardant une bonne liquidité en tout temps», indique le co-fondateur.

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Reste la question des prêts non-performants. Shreek estime qu'ils devraient représenter environ l’équivalent de 3% de son portefeuille de crédit. Pour s’en prémunir, l'institution exigera un garant ou une hypothèque en contrepartie. «Nous pensons pouvoir ainsi atteindre un taux de prêts non-performants largement inférieur à celui du secteur bancaire (estimé à environ 15 % en 2019, NDLR) en ciblant les bons secteurs et en accompagnant nos sociétaires dans leurs projets à qui nous fournirons des formations ou du mentorat», indique l'économiste.

Enfin, Shreek assure que ses comptes seront soumis à un contrôle interne, assuré par un comité de contrôle "maison", et un audit externe, effectué par un cabinet spécialisé.