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En pleine croissance, le port de Beyrouth s’agrandit

Hassan Kraytem : « Le port de Beyrouth appartient à l’État mais il opère de façon privée. »
Hassan Kraytem : « Le port de Beyrouth appartient à l’État mais il opère de façon privée. » Vincent Sannier

« Le port de Beyrouth appartient à l’État mais il opère de façon privée. » C’est ainsi que son président-directeur général, Hassan Kraytem, résume le statut particulier de l’entité qu’il dirige, le “Comité pour la gestion et l’exploitation du port de Beyrouth” (GEPB). Contrairement au port de Tripoli, qui est un établissement public à part entière, ce comité est une structure originale mélangeant les caractéristiques d’une entreprise publique et privée.

D’un côté, le port bénéficie d’une autonomie financière pour gérer le port : c’est lui qui fixe son budget et finance ses investissements. De l’autre, le ministre des Transports ratifie certaines décisions du conseil d’administration, dont les membres sont nommés par le gouvernement. « Le conseil est responsable, sous le parrainage du ministère des Transports », indique Ghazi Aridi, le ministre des Travaux publics et des Transports. L’État reçoit chaque année une part variable des revenus du port. Elle est calculée en fonction de ces revenus, des dépenses que le port a engagées et des investissements qu’il compte réaliser. Selon la direction du port, cette part n’a fait qu’augmenter depuis 2002, passant d’environ 20 millions de dollars à environ 70 millions en 2012.

Le comité a été créé en 1990 par l’État quand ce dernier a récupéré la concession du port qui était contrôlée depuis 30 ans par une société privée, la Compagnie de gestion et d’exploitation du port de Beyrouth (dont le PDG était Henri Pharaon et dont les principaux actionnaires étaient la banque Pharaon et Chiha, les frères Badoui, la banque d’investissement Intra et Hajj Noueri). Cela coïncide avec la fin de la guerre durant laquelle le port a été lourdement endommagé. L’État nomme alors un comité provisoire pour gérer le port et réhabiliter les infrastructures. C’est ce comité qui est toujours en place aujourd’hui.

Le conseil d’administration(1) actuel a pris ses fonctions le 1er janvier 2002. Son président, Hassan Kraytem, est également directeur général. Le conseil d’administration est composé de six personnalités du monde des affaires, d’un représentant du ministère des Finances, d’un représentant du ministère des Transports et du secrétaire général du comité du port. La longueur des mandats n’est pas précisément définie et dépend de la volonté du pouvoir politique. Le conseil d’administration se réunit au moins une fois par semaine et doit valider toutes les décisions portant sur un montant supérieur à 45 000 dollars. « C’est un mélange de public et de privé qui fonctionne très bien », estime Ghazi Aridi. « Est-ce que la structure mériterait d’être plus claire ? Oui, si tout n’est pas remis en cause, affirme pour sa part Hassan Kraytem. Mais le système fonctionne. On a été capable de faire beaucoup de choses jusqu’ici. »

Fort de son autonomie financière, le conseil d’administration a fait le choix en 2002 d’acheter lui-même les nouvelles infrastructures du terminal à conteneurs alors en construction. Il a fait appel à un sous-traitant uniquement pour l’exploitation et la maintenance du terminal. Ammar Kanaan, le directeur général de BCTC, juge cette « décision intelligente, car les risques sont bien répartis : le “risque financier” d’investir dans les grandes infrastructures du pays (les grues du terminal), c’est un risque que doit prendre l’État, à travers le comité du port. En revanche, le risque d’exploiter le terminal doit être confié à des groupes privés, car ils arrivent mieux à s’en charger ». Un précédent projet, abandonné en 2001, prévoyait que le terminal soit à la fois équipé et exploité par l’Autorité du port de Dubaï.

Le port et BCTC partagent les revenus de l’activité du terminal : GEBP verse à son sous-traitant 39,6 % des frais de manutention qu’il collecte. Ammar Kanaan juge ce modèle « commercial efficace : les deux parties ont intérêt à ce que les affaires marchent. Il y a des ports où les autorités payent un revenu fixe à l’opérateur du terminal. Ce dernier n’est dans ce cas pas incité à bien travailler, puisqu’il reçoit toujours la même somme. Il y a des ports où l’exploitant paye un loyer fixe au port. Ce n’est pas l’idéal non plus, parce que l’exploitant prend tous les risques. Alors qu’au port de Beyrouth, quand l’activité augmente, les revenus du port et ceux de BCTC augmentent. Tous les deux sont donc incités à fournir un bon service, à être productifs et à proposer des prix compétitifs. »


(1) Les membres du conseil sont : Hassan Kraytem, Michel Aouad, Bassem Kaissi, Christian Char, Amine Jurdi, Hamad Ismaïl, Philippe Fayad, Toufic Leteif, Meheyeddine Kaissi (représentant du ministère des Transports) et Talal al-Fadel (représentant du ministère des Finances).

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