La saison n’aura pas été exceptionnelle pour les skieurs : mauvais temps, ambiance pesante, tête ailleurs. En revanche, l’immobilier n’a pas ces états d’âme, du moins dans certaines stations de ski qui voient les prix faire de la haute voltige. Itinéraire sur la route des cimes.

Faraya-Mzaar

Qui dit ski dit surtout Faraya- Mzaar, dans la région de Ouyoun el-Simane – qui se trouve en fait à Kfardebian, la municipalité de la localité ne cesse de le répéter. De par sa taille, ses infrastructures et son dynamisme, cette grande station du Kesrouan cumule 80 km de pistes damées et balisées sur un domaine de 43 millions de mètres carrés et continue de focaliser l’intérêt des skieurs. Deux sociétés, détenues entre autres par les familles Rizk, Tohmé et Adham, ont à charge la gestion des lieux.

D’abord, la société Tourisme et Sports d’hiver Faraya-Mzaar se charge des pistes : 19 remontées mécaniques, abonnements, 6 snacks, entretien et déneigement des routes proches et des parkings. Ces pistes, ainsi que le reste du domaine, sont en fait des concessions publiques louées à la société. Seule la piste appelée Refuge se trouve sur un terrain privé appartenant à la
même société Faraya-Mzaar et n’est accessible que pour les abonnés.

Ce qui nous amène à l’activité immobilière ; là, les transactions prennent trois formes : le domaine immobilier appelé Mzaar 2000, géré par la société éponyme (la deuxième société du groupe Rizk) et lancé en 1999, s’étend sur 25 000 m2 ; il regroupe 113 chalets de 70 m2 à 300 m2 l’unité (dont 112 ont déjà été vendus), un jardin privatif, l’hôtel Mzaar-InterContinental, des restaurants, etc. Mzaar 2000 fonctionne comme un club et assume l’entretien des lieux ; les propriétaires y bénéficient d’avantages conséquents : système de chauffage informatisé, prestations hôtelières, spa, salle de sport, cabinets de rangement, accès direct à la piste du Refuge, cave, parking, etc. Ce qui justifie un prix de vente de 2 000 à 2 200 $ le m2 construit. Il est aussi possible d’acheter une action Mzaar 2000 qui comprend un parking, un cabinet de rangement, l’accès à la piscine... Le complexe est donc un succès, surtout auprès des Beyrouthins, mais aussi de quelques étrangers (Français, Saoudiens, Koweïtiens).

La zone dite Plateau Jammal est elle aussi bien cotée, mais les terrains encore disponibles à la vente y sont rares. De plus, les copropriétaires ont dû se regrouper en comité afin de pallier les déficiences des services étatiques ; ce comité dispose de sa propre équipe technique, qui gère le déneigement, les générateurs électriques, etc.

Enfin, en dehors de ces 2 zones, des ventes et des constructions de chalets sont laissées à la discrétion des particuliers. Par exemple, la Société Faraya-Mzaar est propriétaire de 216 000 m2 de terrains disponibles à la vente, mais ne cherche pas spécialement à en faire la promotion. «Le domaine skiable n’est pas une exploitation rentable, remarque Christian Rizk, directeur exécutif de la station, mais il a donné une plus-value aux terrains. Ils valent aujourd’hui entre 300 et 600 $/m2 selon leur emplacement. Ce prix est en hausse grâce au développement de Mzaar 2000 et de l’hôtel».

Effectivement, la construction de l’hôtel Mzaar-InterContinental a eu le même effet dans la zone attenante que Solidere à Beyrouth. «Les prix augmentent au fur et à mesure que l’on se rapproche des centres d’intérêt, note Christian Baz, de Baz Real Estate. Par exemple, un projet de chalets proposera bientôt 20 unités au prix de 1 500-2 000 $/m2, car il se situera directement à proximité de l’hôtel et des pistes».

Certaines parcelles non bâties peuvent se négocier à 500 ou même 600 $/m2 si elles sont bien positionnées. Et leur rareté ne fait qu’ajouter à leur valeur. «Il est de plus en plus difficile de trouver des terrains, affirme Christian Rizk, mais la demande reste importante, surtout de la part des Beyrouthins. Et les prix augmenteraient encore si l’État ou la municipalité en faisait
plus au niveau de l’entretien des routes, de la propreté, etc. En fait, le problème est que la station n’est pas exclusivement privée, comme Faqra». Faqra, le nec plus ultra.

Faqra Country Club

Lancé en 1973 et achevé en 1976, le Faqra Country Club s’élève à 1 700 m d’altitude et s’étend sur 2 millions de m2, dont 200 000 m2 de pistes. Ce domaine, qui peut accueillir aujourd’hui
400 familles, proposait un concept simple mais novateur à l’époque de sa création : un véritable centre de villégiature en montagne, avec tous les services intégrés. L’accent était mis sur l’agrément du cadre, la sélection de ses membres et la possibilité d’y vivre 12 mois par an.

La gestion générale du site est détenue par deux holdings ayant des actionnaires multiples, dont en premier lieu la famille Audi. Ces holdings possèdent les différentes sociétés actives à Faqra : la prestataire de services Solipro qui gère les relations avec les clients et la maintenance ; l’Hôtelière de Faqra, chargée de l’hôtel ; et les sociétés IMFI et IMFA, propriétaires des terrains non bâtis et chargées de leur valorisation. Ces sociétés, qui ne sont pas des promoteurs immobiliers, ont néanmoins établi un règlement spécifique pour la construction des bâtiments. Chaque permis de construire est visé par le club avant son dépôt à l’administration publique. Le club a des exigences concernant les surfaces, afin que les constructions ne soient pas trop disparates en termes de taille. Sur les 700 unités résidentielles, 60 % ont donc été vendues, bien que la location soit actuellement très demandée.

Les prix des terrains s’échelonnent aujourd’hui entre 350 et 450 $/m2, alors qu’ils ne dépassaient pas les 200 $/m2 en 2002 ou 2003. Une hausse justifiée, selon un responsable du club, par les efforts fournis au niveau des services proposés : rénovation des parties communes, asphaltage du réseau routier interne, nouveaux services comme l’entretien des maisons. À cela s’ajoute la hausse de la demande en immobilier de qualité au Liban, surtout de la part de clients arabes et d’expatriés libanais ; ceux-ci recherchent un lieu de villégiature organisé et protégé, où ils retrouvent la logistique à laquelle ils sont habitués. Sans compter le caractère élitiste du club.

«L’investissement immobilier privilégie une région où les prix ne risquent pas de baisser, indique Christian Baz, courtier immobilier actif dans la zone. De plus, ce club est prisé par les élites libanaises et régionales, les étrangers s’intéressant surtout aux terrains pour y construire eux-mêmes leur villa».

Enfin, la reprise en main du marché secondaire par la société jouerait aussi un rôle prépondérant dans cette amélioration. Le Faqra Country Club offre désormais un service d’intermédiation pour éviter que certains propriétaires ne bradent leur bien, ce qui est arrivé fréquemment par le passé. Il souhaite aussi décourager la spéculation et faire en sorte que les terrains soient vendus aux gens ayant réellement un projet. Aujourd’hui, certaines transactions sur les terrains peuvent atteindre les 500 $/m2. Logiquement, les clients potentiels s’adressent d’abord au Club qui propose à la fois les terrains en seconde main et ses propres parcelles.

Cela dit, depuis 6 ans, l’agence immobilière indépendante Baz Real Estate propose un certain nombre de terrains et de chalets à Faqra (environ 30 chalets) sans aucune intervention du club. «Grâce au bouche-à-oreille, beaucoup de propriétaires viennent proposer leur terrain à notre agence, car le club ne veut pas vendre à un prix réduit, explique Christian Baz. Et ces clients en ont assez d’attendre un acheteur qui ne vient pas. L’agence représente donc une alternative pour ceux qui se sentent bloqués ; ce marché a démarré parce que le club n’a pas pris le problème au sérieux, justement».

Car une réalité démographique pèse lourdement sur la demande actuelle : tous les propriétaires qui ont acheté au début des années 80 ont aujourd’hui vieilli, leurs enfants sont partis, et eux-mêmes n’ont plus autant besoin d’un bien de ce type. «Nous assistons actuellement à une deuxième vague de parents qui veulent acheter dans ce type de complexe familial, observe Baz. Or, les chalets déjà construits ne vont pas être démolis et les nouveaux acheteurs ne veulent pas payer 400 $/m2 pour un terrain non bâti. Ils souhaitent dans 90 % des cas prendre un
pied-à-terre en location, avec l’idée d’acheter ensuite. La direction du Faqra Country Club n’a pas réalisé qu’au bout de 20 ans, il est normal que certains membres veuillent sortir et qu’il faille satisfaire un marché secondaire pour une deuxième génération. C’est cyclique et naturel».

Sur ce marché de seconde main, les prix dépendent de nombreux paramètres ; on peut aussi bien trouver un chalet neuf à 800 $/m2 (mais qui n’a pas trouvé preneur en 3 ou 4 ans) que du vieux à 1 200 $/m2. Le neuf peut même atteindre 1 500-1 700 $/m2 en fonction de l’emplacement. En ce qui concerne la location, les loyers varient selon l’ameublement et l’équipement, démarrant à 10 000 $/an le chalet de 100 m2. Mais la location se heurte, là aussi, aux habitudes locales : «Le propriétaire veut louer à la saison ou à l’année, constate Christian Baz. Or, tout le monde a les mêmes dates de vacances (les congés scolaires n’étant pas échelonnés comme en France), ce qui fait qu’il n’y a pas de roulement possible. Les chalets s’arrachent entre le 15
juin et le 15 août et entre le 15 décembre et le 15 janvier.

Mais pour le propriétaire au Faqra Country Club, louer sur de courtes périodes n’est pas intéressant, d’autant que les charges prélevées par le Club sont très élevées – de l’ordre de 3 500 à 4 000 $/an – et qu’il ne peut pas les répercuter sur le locataire. Du coup, certains abandonnent carrément le chalet et ne le louent que pour couvrir les charges du Club, ce qui gêne la direction, très attachée au standing de Faqra. D’autres refusent même de payer ces charges, d’autant qu’il n’y a pas d’assemblée générale régulière des copropriétaires». Bref, c’est un monde à part, avec ses propres modèles de business. Rien à voir par exemple avec le modèle de la station Laklouk – qui, elle, est très entreprise familiale. 

Laklouk Village Vacances

Pour l’heure, la question de l’investissement immobilier ne se pose pas vraiment à Laklouk, dont le domaine de 1,5 million de m2 est la propriété de la famille Saab, avec un demi-million de m2 de pistes situées entre 1 700 et 2 000 m d’altitude. «La société Laklouk Village Vacances se charge de l’activité touristique : remontées mécaniques, restaurants et hôtels, location des chalets, explique Samir Saab, propriétaire et gérant. Toute transaction éventuelle se ferait directement avec la famille – qui n’a de toute façon pas la volonté de vendre actuellement».

En fait, les Saab attendent l’achèvement des infrastructures routières vers leur station, et la plus-value qui en résulterait. «Aujourd’hui, nous estimons le terrain loti mais non bâti à 120 $/m2, même si ce prix ne correspond à rien de concret en l’absence d’offres et de demandes, avance Samir Saab. Mais nous en voudrions 250 $/m2, sachant que les infrastructures de haute montagne coûtent à elles seules 50 $/m2». D’ailleurs, voici un an que la station est en pleine rénovation. Tous les dossiers sont prêts, et la demande, en particulier de partenariats pour l’investissement, existe bel et bien. «L’État doit assurer des infrastructures correctes, ce qui n’est pas encore fait, regrette Saab. Mais dans tous les cas, nous ne vendrons pas les villas et tout ce qui est actuellement opérationnel, car cela représente un patrimoine familial».

Restent 250 000 m2 dédiés à la construction, dont seulement 25 000 sont bâtis avec une douzaine de villas et les deux hôtels 3 étoiles, Nirvana et Shangrilla. Du coup, Laklouk Village Vacances privilégie la location, les villas étant disponibles au jour, à la semaine, au mois… «Nous pratiquons des tarifs dégressifs, indique Samir Saab. Nous partons de 275 à 440 $/nuit (pour la famille, un groupe d’amis…), sachant que l’amortissement principal se fait sur la première nuit.

Pour la saison, les loyers vont de 3 300 à 5 500 $». Néanmoins, la demande porte plus sur les 2 hôtels familiaux (avec respectivement 35 et 20 grandes chambres), où les tarifs sont aussi adaptés avec 110 $/nuit pour une chambre double. «Notre clientèle est constituée de 80 % de Libanais et de 20 % d’Européens, précise Saab. Ces derniers travaillent dans les pays limitrophes et viennent passer 3 ou 4 jours au Liban. De manière générale, nous avons une clientèle d’habitués». Ce qui n’est pas le cas pour Kanat Bakiche, même si cela risque de changer…

Kanat Bakiche

On se bouscule au portillon de Kanat Bakiche, où les rumeurs de projets se multiplient, certaines se vérifiant, d’autres restant dans le flou. Ainsi, cet hiver, la station est restée fermée… pour cause de rachat. Le domaine de 1 million de m2, avec 2 téléskis de 900 et 1 200 m, a en effet été vendu par ses anciens propriétaires (Samir Karam, Marcel Debs et Moussa Farhan) au Saoudien Sahd el-Adel pour la modique somme de 12 millions $. La station devrait être agrandie et modernisée.

De l’autre côté de la route se trouve l’hôtel Snowland, seul et unique établissement de la région. Joseph Karam, propriétaire de l’hôtel, attend avec impatience que Kanat Bakiche entame un développement réel, quitte à mettre la main à la pâte. «Je suis seul à Kanat Bakiche, regrette-t-il. J’y possède 200 000 m2. Ces terrains sont à vendre, de 30 à 60 $/m2, et il y a beaucoup d’acheteurs, essentiellement arabes. Malheureusement, ils ne construisent pas. À tel point que je suis prêt à faire un escompte de 25 % à quiconque souhaite acheter pour bâtir tout de suite !». De plus, Joseph Karam compte démarrer au printemps la construction d’une vingtaine de villas sur les terrains qu’il possède autour de l’hôtel, avec une mise initiale de 3 millions $. Ces villas seront proposées à la location ou à la vente, à partir de 800 $/m2. Une tentative pour insuffler à Kanat Bakiche un peu de l’enthousiasme que suscitent les stations pas si éloignées de Faraya-Mzaar et Faqra.

Un autre projet est en voie de finalisation dans le triangle que forment ces deux stations avec Kanat Bakiche. Sur une surface d’un demi-million de m2, le projet partira du chalet Hariri à Faqra pour s’étendre jusqu’à Kanat Bakiche, et se présentera certainement sous forme de club, avec pistes de ski, hôtel 5 étoiles, 500 parcelles à vendre de 500 m2 à 6 000 m2 l’unité, plus chalets et village central. Une sorte de Faqra Country Club bis, mais en plus grand. Initié il y a 5 ans, financé par des fonds libanais et arabes, le projet est prêt et n’attend que le feu vert global. Un scénario qui risque de se répéter, sous d’autres formes, aux Cèdres.

Les Cèdres

Pendant de longues années, l’activité immobilière est restée limitée dans la plus ancienne station de sports d’hiver libanaise, essentiellement en raison de la présence syrienne. Cette dernière ne freine plus désormais l’enthousiasme des skieurs et, du coup, en fait depuis 2002, d’importants investissements ont été initiés, que ce soit en matériel ou en immobilier : «Nous avons un plan de rénovation en plusieurs phases, explique Johnny Keyrouz, PDG de Cedars of Lebanon STET, la société exploitant le site. En tout, 15 millions $ seront investis. Dans la première phase, 3 nouveaux télésièges ont remplacé les anciens tire-fesses, ils vont jusqu’à 2 900 m d’altitude ; une nouvelle piste de 3 km de long a été ouverte avec un dénivelé de 800 m, et deux télésièges ont été remplacés. La deuxième phase, qui débutera au printemps 2006 et prendra deux ans, prévoit la construction d’un téléphérique, avec des facilités commerciales au départ et un refuge à l’arrivée. Enfin, parallèlement, la construction d’un nouvel hôtel de 80 chambres est aussi prévue au cœur de la station».

Avec un domaine skiable magnifique (une concession de 2 millions de m2 loués à l’État) et un net regain de dynamisme, les Cèdres recommencent à attirer les amateurs de neige. «On revoit des gens qui venaient autrefois de Beyrouth, observe Keyrouz. Et le nombre d’étrangers, surtout Occidentaux, augmente ; ils représentent 10 % de notre clientèle, ce qui est excellent. Aujourd’hui, nous recevons en moyenne 1 000 personnes par week-end qui se logent à l’hôtel ou dans les 150-200 chalets opérationnels».

L’activité immobilière semble d’ailleurs vouloir se développer aussi : le prix du terrain est actuellement d’environ 50 $/m2 ; les chantiers se multiplient pour la construction de nouveaux chalets et hôtels et l’agrandissement de ceux qui existent déjà. Mais restent cependant deux obstacles majeurs à l’expansion de l’activité immobilière des Cèdres : d’abord l’accès routier à la station, dont l’état laisse à désirer. Mais aussi et surtout la difficulté à obtenir des documents fonciers : beaucoup de registres ont été détruits pendant la guerre. Néanmoins, une demande se fait de plus en plus perceptible à laquelle il va falloir répondre un jour. Ce qui n’est pas le cas actuellement à Zaarour, pourtant un joyau potentiel.

Zaarour Country Club

Le potentiel de développement à Zaarour serait sans doute l’un des plus importants du pays si la gestion du site n’était pas handicapée par les antagonismes entre les frères Murr.

Situé à 37 km, soit seulement 40 minutes en voiture de la capitale, le Zaarour Country Club, créé en 1973, n’a pas attiré les Beyrouthins, rebutés par les multiples barrages syriens parsemés le long de la route. Aujourd’hui, ces Beyrouthins retrouveraient sans doute le réflexe de retourner vers la station la plus proche, d’autant que les installations de ski y sont d’excellente qualité. Le départ des pistes se situe à 1 650 m d’altitude et le sommet est à 2 000 m. Quelque 1 million de m2 de pistes sont en propriété, et d’autres terrains sont accessibles. Un beau potentiel donc, s’il n’était laissé en friche.

«Le Zaarour Country Club compte 600 actionnaires, et devait en principe être un club privé, explique Gabriel Murr, promoteur du projet et aujourd’hui membre du conseil d’administration. Mais depuis 2 ou 3 ans, il n’est plus bien géré. Le projet d’hôtel n’a pas été exécuté. De même, l’expansion sur 600 000 m2 prévue entre 1997 et 2000 dans la région des Kharrat, avec l’installation de deux télésièges, n’a pas eu lieu, alors que le matériel a été en partie acheté».

La station comporte aujourd’hui une auberge, 300 chalets privés et 40 chalets à louer, le tout sous la gestion du club que Michel Murr, le frère, dirige seul depuis 1995. «Il est impossible de diriger un projet de loin, avec une équipe qui n’est pas du métier, regrette Gabriel Murr. La dernière réunion des actionnaires a eu lieu en 1995, ce qui est illégal car en principe une assemblée générale doit être prévue annuellement. Le conseil d’administration ne s’est pas réuni depuis 1999. Les parties communes sont négligées. Mais personne n’a osé réagir. Seule manifestation de mécontentement : chaque actionnaire est supposé payer un forfait annuel de 500 $ au club, ce que la plupart ne font plus depuis 2002. D’ailleurs, la part (action) du Zaarour Country Club valait 15 000 $ en 2001, aujourd’hui, elle doit coûter 500 $ ; et encore, cela ne sert à rien puisque désormais n’importe qui peut y entrer en payant à la porte».

Le développement de la station est donc bloqué, ce qui se répercute sur le prix des terrains. «En dehors du club, le mètre carré est à environ 40 $, indique Gabriel Murr. À l’intérieur de notre domaine, ces prix vont de 50-60 $/m2 à 100-120 $/m2 près des remontées mécaniques. Mais en 1996, ces prix étaient plus élevés, atteignant parfois plus de 200 $/m2. Les chalets se sont vendus entre 1994 et 1997 à 1 000-1 400 $/m2, alors qu’aujourd’hui on demande 750 à 800 $/m2 pour les 50 chalets neufs qui sont encore à vendre». Cette mise en veilleuse de la région explique pourquoi certains propriétaires ont accepté de baisser leurs prix de la sorte. Délaissée, la station se dévalue donc, ce qui est d’autant plus regrettable que les possibilités d’expansion géographique sont intéressantes, avec 500 000 m2 exploitables de part et d’autre du club.

Néanmoins, un début de demande commence à se faire sentir, ce qui incitera peut-être les actionnaires à faire bouger les choses. «À partir de mars 2006, je compte tenter moi-même de mobiliser les actionnaires». Gabriel Murr est déterminé, comme toujours.

Un marché inexploité

De l’avis général des professionnels du secteur, le monopole dont dispose le Liban dans la région en matière de neige mériterait d’être mieux exploité par les pouvoirs publics. De sorte à attirer les nombreux touristes étrangers que de telles activités intéresseraient. Pour l’heure, la clientèle se limite presque exclusivement aux Libanais résidents, même si un changement se profile timidement. «Les capacités d’hébergement ne sont pas formidables, souligne un responsable du Faqra Country Club, et il est difficile de faire fonctionner un hôtel saisonnier sans politique nationale. Il est vital de développer les infrastructures et une stratégie de communication dans ce domaine. L’avenir serait bien meilleur si un plan neige était développé, avec une spécialisation des stations (sport, enseignement, famille, etc.) et la mise en place de liens entre elles». Un point de vue qu’approuve Samir Saab, propriétaire et gérant de Laklouk Village Vacances. «Laklouk occupe 80 % du marché des classes de neige, souligne-t-il. Nos pistes sont sécurisées, nous avons une école de ski avec 30 moniteurs à des tarifs accessibles. Nous avons donc un créneau qui est complémentaire avec Faraya-Mzaar, ce qui induit un effet de synergie.

Le ministère du Tourisme devrait nous aider à renforcer cette image, d’autant que la saison de ski est très brève et que la montagne libanaise pourrait attirer des touristes tout le reste de l’année». Cela dit, tout le monde n’est pas d’accord sur la façon dont il faudrait gérer les sports d’hiver au Liban. Pour Christian Rizk, de Faraya-Mzaar, l’État devrait davantage se préoccuper des infrastructures, sans interférer dans les activités des stations. «Le ski représente l’attraction principale du Liban en hiver, souligne-t-il. Par un beau dimanche, nous pouvons accueillir 10 000 voitures, 4 000 skieurs et le triple d’accompagnateurs. Mais l’arrivée à la station pose problème, en raison des embouteillages et de l’état des routes». C’est dans ce cadre qu’il faudrait considérer le fameux projet Sannine-Zénith. «Un projet qui n’est pas abandonné, mais seulement retardé», nous indique une source proche du dossier, qui n’a pas souhaité fournir plus de détails.

Skileb.com : du Web aux pistes

Propriété de la société Grey Matter (www.greymatterX.com) spécialisée dans le e-tourisme, www.skileb.com est un portail Internet qui, comme son nom l’indique, est dédié au ski au Liban et propose une prise en charge complète des amateurs de neige : transport de l’aéroport, location de voitures et d’équipements de ski, moniteurs, forfaits, chalets, chambres d’hôtels, excursions… et même des réservations en ligne. «Nous procédons à plusieurs centaines de transactions chaque saison, et leur nombre double, parfois triple, chaque année, indique Ronald Sayegh, PDG de Grey Matter. Nos clients sont à 70 % des Occidentaux travaillant dans le Golfe. Nous avons aussi 5 % d’Arabes.

Ces clients ont en général un pouvoir d’achat important, ils sont tout au plus à 3 heures d’avion du Liban où ils trouveront des prix moitié moins chers qu’en Europe. Nous commençons même à avoir de la clientèle venant d’Europe, d’Australie, etc.». Familles, amis, couples, particuliers et même écoles organisant des voyages scolaires, reviennent d’ailleurs d’année en année. Les 6 stations libanaises sont présentées sur le site, mais dans leur majorité, les clients restent focalisés sur Mzaar. Skileb.com y réserve des chambres dans les 10 hôtels de la région, ainsi que 3 blocs de 4 chalets chacun pendant tout l’hiver. Les prix sont fixés à la nuitée (avec des forfaits) et les séjours durent de 4 à 12 jours, ce qui va contre l’habitude libanaise de louer les chalets à l’année ou à la saison. Du coup, cette agence en ligne contribue à changer les façons de faire dans nos stations de ski.

«En quelques semaines, les chalets loués ont un rendement supérieur à ce qu’ils auraient réalisé sur toute la saison, observe Sayegh. Les loyers des chalets ont d’ailleurs augmenté de 20 % en un an : aujourd’hui, ils vont de 150 à 250 $ par nuit (pour un couchage de 4 personnes), avec un minimum de 3 nuitées». Une chambre double à l’hôtel varie, quant à elle, de 85 à 300 $ la nuit, les établissements étant aussi tous pleins. À cela s’ajoutent des efforts de la part des commerçants et des restaurateurs qui rénovent et agrandissent leurs magasins pour répondre à cette nouvelle demande. «Même les stations s’adaptent, souligne Sayegh. Elles s’équipent davantage, prévoient des panneaux clairs pour les clients qui ne connaissent pas la station et embauchent même du personnel anglophone». Une belle démonstration du potentiel d’attraction que le ski au Liban peut avoir dans la région arabe, avec si peu de moyens.