Un article du Dossier

Private equity : un premier bilan

Les fonds de private equity sont en vogue au Liban. Au-delà des effets d’annonce, l’allocation des fonds, relativement aisés à lever, s’avère toutefois plus difficile à réaliser. Premier bilan d’une tendance qui a débuté en 2007.

Depuis 2007, plusieurs fonds de capital investissement (private equity) couvrent le marché libanais : Building Block Fund de Bader, EuroMENA de Capital Trust, Berytech Fund, Byblos Venture Holding, Middle East Venture Partners, Cedrus Venture…
Au total, quelque 50 millions de dollars sont disponibles pour des allocations dans des PME libanaises prometteuses, dont 30 millions ont été investis par un seul fonds dans des entreprises relativement grandes, le reste des allocations représentant à peine deux millions de dollars. Au total, les bénéficiaires se comptent sur les doigts d’une main.
Building Block et Byblos Venture Holding ont tous deux réalisé zéro investissement, tandis que le second a même cessé son activité. Leur cahier des charges ne paraissait pourtant pas inaccessible : le chiffre d’affaires minimum des entreprises cibles devait être de  500 000 dollars pour BBF et de deux millions de dollars pour Byblos et elles devaient bien évidemment disposer d’un important potentiel de croissance.
En fait, malgré l’ampleur des liquidités disponibles, malgré le soutien financier d’organismes et de sociétés internationaux comme la Banque européenne d’investissement, la Proparco –  filiale de l’Agence française pour le développement dont la vocation est de financer le secteur privé dans les pays en voie de développement – Cisco et Intel… la lenteur du déploiement des fonds disponibles est due au fait que les conditions de réussite du private equity ne sont pas souvent réunies au Liban, notamment eu égard aux rendements attendus par les investisseurs sur ce créneau, qui tournent autour de 20 % par an minimum.
La taille des fonds, relativement réduite, due à l’étroitesse du marché libanais lui-même, est un des premiers handicaps, souligne Romen Matthieu.
L’effet taille, via les management fees (un pourcentage des fonds investis), a un impact sur la rémunération de l’équipe qui gère le fonds, expliquent de concert Romen Matthieu, directeur général de Capital Trust, et Walid Hanna, son confrère de Middle East Venture Partners. La norme en la matière est d’allouer 2,5 % des fonds aux management fees. Aussi, ce pourcentage s’est-il avéré insuffisant pour le Building Block Fund, vu la taille du fonds (16 millions de dollars) pour rémunérer et motiver une équipe de gestion de qualité entièrement dédiée au fonds, estiment les deux spécialistes – la précédente équipe était composée d’une seule personne à temps plein et de deux personnes à temps partiel, dont l’une à l’étranger. Les actionnaires du Building Block, principalement Proparco, sont actuellement en négociation avec une nouvelle équipe de gestion pour qu’elle prenne la relève.
Pour Hanna, la taille du fonds doit être au minimum de 20 à 25 millions de dollars pour qu’il soit viable, au regard des frais de fonctionnement. Pour Matthieu, ce montant est de cinquante millions de dollars.
En tout cas si le fonds est petit, il ne peut pas prétendre à investir dans des entreprises déjà développées et doit plutôt se consacrer à de jeunes entreprises, en faisant du « venture capital », estime Hanna, pour qui les difficultés du fonds de Bader tiennent en partie à cette problématique.
En tout cas, la question de la taille est l’une des raisons pour lesquelles les fonds EuroMENA de Capital Trust ont une vocation régionale.
L’asthénie du marché boursier libanais est un second obstacle important au développement du private equity, car elle prive les investisseurs d’une des principales stratégies de sortie qui s’appliquent dans le secteur, à savoir l’introduction en Bourse. Quant aux acheteurs stratégiques, ils sont également encore plutôt difficiles à trouver, le pays étant considéré relativement à risque.

Des attentes de valorisation excessives

Les attentes excessives des entrepreneurs en termes de valorisation sont un autre obstacle majeur. Beaucoup de transactions potentielles achoppent sur cette question, témoigne Maroun Chammas, directeur général de Berytech Fund, a fortiori dans le cas des start-up, cibles de son fonds.
« Il faut que l’entrepreneur comprenne que c’est sur le deuxième et troisième tours de financement qu’il va faire l’argent et non au démarrage », dit-il. De plus, les business plan sont agressifs aussi bien en termes de surestimation du chiffre d’affaires que de sous-estimation des coûts, souligne Chammas. Il déplore également l’attitude des entrepreneurs qui veulent tout faire par eux-mêmes – alors que les jeunes pousses ont besoin de compétences bien spécifiques et distinctes – et leur tendance à vouloir se lancer dans plusieurs créneaux à la fois, en raison de l’étroitesse du marché, au lieu de se concentrer sur leur cœur de métier.

 

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