Tous deux ont le profil de la diaspora libanaise voyageuse. L’un a longtemps séjourné aux États-Unis, développant sa carrière d’expert marketing dans de grandes sociétés internationales. L’autre a exercé dans l’hôtellerie de luxe en France. Rien, a priori, ne les destinait à mettre les mains dans le pétrin. Pourtant, Ali Daher et Waël Sabbagh viennent de délaisser leur i-Pad pour fonder l’une des premières usines de fabrication de pains bio : Organic Baking Company, avec un financement privé de 500 000 dollars. « Nous prévoyons de produire, dans un premier temps, douze types de pains bio (les pains classiques) dont des pains libanais et occidentaux. Deux autres gammes de pains de qualité, dites “Gourmet” et “Nutritive”, seront lancées après les pains classiques. Ce qui devrait représenter, en fabrication, une à trois tonnes de farine par semaine », précise Ali Daher. Les deux compères développent leurs produits sous marque blanche permettant au distributeur d’apposer son propre nom. Ils sont d’ores et déjà en partenariat avec Biomass, qui sera le premier à commercialiser leur production, sous son nom, dans les supermarchés ou les magasins spécialisés dès ce printemps.
L’idée de fabriquer du pain ne leur est pas venue par hasard : selon une étude de 2006, restreinte à la seule capitale libanaise, les Beyrouthins consomment une moyenne de 146 grammes par jour de pain, soit une consommation presque identique à la France, pays de tradition boulangère. En 2010, quelque 485 000 tonnes de farine (dont 90 % importées) ont été utilisées au Liban pour notamment en assurer la production. Pour autant, la qualité n’est pas au rendez-vous, assure Ali Daher et Waël Sabbagh. « Nous avons acheté des dizaines de pains. Deux mois plus tard, certains sont toujours mous et une majorité n’a pas développée de moisissures. Preuve du niveau effarant d’additifs et de conservateurs chimiques », explique Waël Sabbagh.
Mais la qualité, et plus spécialement le label bio, a un prix : 50 % plus cher. « Un sachet de pain arabe vaut 1 000 LL. Nous le vendrons aux alentours de 1 500 LL », explique Waël Sabbagh, qui s’inquiète de la hausse des cours des matières premières. « La farine est importée d’Europe et les prix ne cessent de grimper. Le blé biologique n’est pas subventionné par le gouvernement libanais. » Ils cherchent d’autres marchés pour s’approvisionner, comme la Turquie, où quelques producteurs de farine bio existent. « Importer de l’étranger renforce l’empreinte carbone d’une société (mesure du volume de dioxyde de carbone, CO2, émise par une entreprise dans ses activités, NDLR). Même si rien n’est obligatoire au Liban en la matière, produire bio, c’est aussi vouloir produire local au maximum », précise Waël Sabbagh. Pour l’heure, cela reste un vœu pieu.