Deux nouveaux indices lancés par l’AUB permettent d’évaluer l’inclusivité de la gestion des ressources humaines des entreprises privées dans onze pays arabes, du point de vue des employeurs et des employées. 

Selon l'étude, les femmes ont moins tendance à être promues à des postes hiérarchiques.
Selon l'étude, les femmes ont moins tendance à être promues à des postes hiérarchiques. G.S.

La Olayan School of Business (OSB) de l’Université américaine de Beyrouth a lancé début avril deux nouveaux outils destinés à évaluer l’inclusion des femmes dans les entreprises privées du monde arabe. L’indice KIP («Knowledge is Power») évalue les politiques et les pratiques relatives à la gestion des ressources humaines dans les entreprises, tandis que l’indice de l’Expérience vécue se base sur le ressenti des femmes y travaillant. Quelque 1790 employeurs du secteur formel ont ainsi été sondés dans onze pays, et 523 entretiens réalisés pour cette initiative, qui constitue la première du genre dans le monde arabe.

«La région souffre d’un déficit de données», rappelle Charlotte Karam, directrice du Centre pour la culture d’entreprise et le management inclusifs (CIBL) de l’OSB et coauteure d’un rapport sur les résultats obtenus. «Avancer vers des conditions de travail plus dignes pour les femmes et des systèmes de ressources humaines plus inclusifs nécessite pourtant d’avoir accès à des données».
Les données collectées couvrent trois domaines-clés dans les ressources humaines: le recrutement, la promotion et la rétention des employées.

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En évaluant les politiques en matière de discrimination à l’embauche ou encore le nombre de candidatures déposées par les femmes, l’étude conclut que c’est au niveau du recrutement que les entreprises de la région sont les plus inclusives. Mais la situation se dégrade une fois les femmes entrées dans l’entreprise. Elles ont ainsi moins tendance à être promues à des postes hiérarchiques, et quittent leur employeur plus rapidement.

Alors que la moyenne régionale de l’indice KIP est de 38,67 points, le score s’élève à 41,72 pour le recrutement, contre 38,27 pour la promotion et 34,28 pour la rétention des employées. Des tendances confirmées par l’indice de l’Expérience vécue, qui exprime le point de vue des salariées.

Ces chiffres varient toutefois selon les secteurs et les pays étudiés avec, parfois, d’importantes différences entre les politiques et pratiques rapportées par les entreprises et leur perception par les principales concernées. Les domaines d’activités ont été repartis en six catégories: éducation, services financiers, STIM (science, technologie, ingénierie, mathématiques), santé, professions libérales et autres services.

Au niveau régional, la santé et l’éducation sont les secteurs les plus inclusifs au regard de l’indice KIP, avec des scores respectifs de 45,44 et 44,73 points. C’est également le cas au Liban où ces deux secteurs enregistrent un score de 54,96 et 49,86. Mais l’éducation est aussi le secteur le plus mal noté selon l'indice d'Expérience vécue tant à l'échelle régionale qu’au Liban. «Cette différence peut s’expliquer par le fait que les femmes sont nombreuses à travailler dans ce secteur depuis plusieurs années sans constater d’avancée notable sur le plan de leur inclusion», explique Charlotte Karam.

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La gestion des ressources humaines dans les STIM, en revanche, enregistre le plus mauvais score à l’indice KIP dans la région et au Liban. Il est également le deuxième secteur le plus mal noté à l’indice d’Expérience vécue. «Ce constat est alarmant car il s’agit d’un vivier d’emplois d'avenir; c’est un problème mondial et pas seulement régional», précise Charlotte Karam.

Une analyse par catégorie de pays apporte enfin un autre éclairage. Dans les pays avec peu de ressources et une main d’œuvre importante c’est-à-dire le Liban, la Tunisie, la Jordanie et le Maroc, les entreprises ont tendance à être plus inclusives selon l’indice KIP (42,25). Avec un score de 41,08 le Liban n’est pas le plus avancé de son groupe, mais se situe au dessus de la moyenne régionale. «Les femmes sont relativement mieux prises en compte sur ces marchés dans la mesure où les hommes sont nombreux à émigrer pour chercher du travail», explique Charlotte Karam. Mais les employées ne semblent pas y trouver leur compte, notamment au Liban. Reflétant une certaine désillusion des femmes sur le marché du travail, le pays affiche le pire score de la région à l’indice de l’Expérience vécue (52,74).

À l’inverse, les pays riches en ressources et importateurs de main-d'œuvre, comme l’Arabie saoudite, le Bahreïn et le Koweït, affichent le plus mauvais score selon l’indice KIP (31,62), mais aussi la moyenne la plus élevée de l’indice d’Expérience vécue. C’est paradoxalement là où les femmes semblent les plus satisfaites.  «Bien qu’il reste encore beaucoup à faire dans ces pays, les femmes sont plus optimistes en raison des évolutions rapides enregistrées ces dernières années concernant leur statut», justifie Charlotte Karam.