Depuis sept ans, les 17 hectares du domaine familial d’al-Mansoura à Rechmaya (Mont-Liban) sont certifiés bio par l’organisme de certification libanais LibanCert. « Lorsque nous avons décidé de notre reconversion, il n’y avait pas de marché “bio” au Liban. Je vendais à perte, aux prix de l’agriculture conventionnelle », assure Vicky el-Khoury. Aujourd’hui, l’huile d’olive qu’elle commercialise sous la marque Rose de Tyr, du nom de son ancienne exploitation de fleurs située à Tyr, représente les trois quarts de ses revenus. Sa production de fruits et légumes contribue pour seulement un quart. « C’est cette production que nous entendons développer, pour qu’elle représente environ 50 % de notre production. »
Au-dessous d’anciennes vignes de raisin de table poussent ail et oignons. Dans un coin, un élevage de lombrics. « C’est une biotechnologie de pointe qui permet de transformer et valoriser des matières organiques, telles que le fumier, en un fertilisant organique de grande qualité contenant des hormones végétales favorables à la croissance des plantes », précise Roula Farès, ingénieur agronome, qui intervient comme consultant en agriculture biologique sur le domaine. Entre les oliviers, des serres abritent des tomates alignées comme une armée de soldats rouges. Plus haut, les choux et les oignons plantés ensemble sur une même terrasse. « Leur association est idéale : l’oignon est un répulsif naturel pour les insectes. » Un peu partout, entre les rangées de légumes, foisonnent un mélange d’herbes folles et de fleurs sauvages. On pourrait les qualifier de “mauvaises herbes”, mais ces plantes, en fait des trèfles, capturent l’azote dans leur racine. « Cela permet un enrichissement naturel des sols et évite l’usage de fertilisants chimiques », poursuit Roula Farès. 
« En bio, la production est moins importante et les pertes sur une plus large échelle », souligne Vicky el-Khoury. À titre d’exemple, l’on peut produire en agriculture conventionnelle plus de 15 tonnes de tomates en serre d’hiver par 1 000 m2 quand, en bio, c’est un maximum de huit tonnes. Ces aléas se répercutent sur le prix de vente : un kilo de tomates “conventionnelles”, en provenance de Jordanie par exemple, se vend 750 livres libanaises quand les tomates d’al-Mansoura s’échangent à 6 000 livres libanaises sur les étals. « Le prix est plus élevé pour une production d’hiver. L’été, l’écart se resserre », précise Vicky el-Khoury.
Jusqu’à présent, le succès reste aléatoire. « Pour équilibrer nos comptes, il faudrait que nous mettions en place un circuit fermé », explique la propriétaire. Avec, en particulier, le développement d’une production animale ainsi que la fabrication de conserves sur le domaine. « Ce que nous faisons déjà à petite échelle. » Plus important encore : la création d’un circuit de commercialisation, qui associe des ventes directes sur les marchés ou à la ferme à une distribution de plus grande ampleur dans les boutiques spécialisées. « Il nous faudrait également ouvrir une ferme d’agrotourisme. » Un rêve impossible ? Pas si sûre. Vicky el-Khoury entend démarrer un élevage de volailles pour commercialiser des œufs bio et prévoit l’achat d’un élevage d’ovins. « Vous ne connaîtriez pas un berger, par hasard ? » Avis aux amateurs.