Une société offshore est une société non résidente qui bénéficie dans le centre offshore choisi pour son immatriculation d’une fiscalité allégée. Au Liban, elle est régie par deux textes législatifs : le décret-loi n° 46 voté le 24 juin 1983 et la loi n° 19 du 5 septembre 2008, dont le décret d’application date du 29 mai 2009. La loi de 2008 élargit sensiblement l’objet social de la offshore libanaise et prévoit de nouvelles incitations juridiques et fiscales.

Capital minimum
Le capital social minimum doit être de 30 millions de livres libanaises ou 20 000 dollars et les fondateurs au nombre de trois au minimum. « Contrairement aux autres sociétés anonymes classiques, le législateur a donné ici la latitude d’opter directement pour un capital souscrit en devises étrangères et la tenue de comptes correspondante (article 3-3 de la loi) », précise Karim Daher.

Forme juridique
Au Liban, la société offshore est nécessairement une société anonyme immatriculée auprès du tribunal de commerce de Beyrouth dans un registre spécial, mais la publication de sa création au Journal Officiel n’est pas exigée.
Ce modèle juridique reste un peu plus contraignant que celui proposé par d’autres centres offshore. Chypre, dominé par le droit anglo-saxon, permet par exemple la création d’une International Business Company (IBC) qui prévoit, entre autres, de préserver l’anonymat des actionnaires de l’entreprise. Aux États-Unis, dans l’État du Delaware, la société offshore prend la forme d’une compagnie à responsabilité limitée, qui protège ses propriétaires, d’une General corporation, une forme spécifique au Delaware. Autre exemple : aux Îles Vierges Britanniques (BVI), les investisseurs utilisent les “business companies” normales pour réaliser les activités offshore de toute nature non prohibées par le Business Companies Act de 2004 et par leurs statuts, et ce en franchise d’imposition ou d’obligation de déclaration annuelles.

Objet social
La société offshore libanaise peut effectuer toutes les opérations commerciales qu’elle souhaite, à l’exception notable des activités bancaires, de finance et d’assurance, et de toute activité soumise au contrôle de la Banque du Liban (notamment le courtage et l’intermédiation financière ainsi que le transfert électronique d’argent). Les activités autorisées – ou plus exactement leur commercialisation – devront toujours se dérouler en dehors du territoire libanais. Ce qui implique que  la offshore ne peut pas non plus mener des activités commerciales ou des prestations de service pour le compte de sociétés résidentes au Liban. Rien n’interdit cependant à  la offshore (selon l’article 2 du décret d’application n° 2083 du 29 mai 2009) de mener sur le sol libanais des négociations directes ou de procéder à la signature de contrats pour des opérations et des projets réalisables à l’étranger (sous réserve, de l’application des dispositions de l’article 10 de la loi sur les procédures fiscales n° 44 de 2008 visant à lutter contre les fraudes et évasions fiscales).

Ce que peut faire une offshore
1 – Gérer des sociétés non résidentes et des établissements offshore à partir du territoire libanais. La société offshore libanaise peut négocier et conclure des contrats (ou des conventions) qui concernent des opérations et des transactions exécutées en dehors du territoire libanais et relatives à des biens se trouvant à l’étranger ou dans les zones franches douanières. La jurisprudence précise que seule l’exécution de ces contrats doit être menée hors du Liban, leur signature pouvant avoir lieu sur le territoire libanais.  la offshore ne peut toutefois pas gérer des fonds pour un tiers : le management de sociétés non résidentes dont l’activité se situe exclusivement hors du Liban englobe uniquement la gestion de sa trésorerie (c’est-à-dire pour ses comptes bancaires et bons du Trésor libanais définis limitativement à l’article 2 de la loi n° 19 de 2008).

2 – Acquérir des actions, des parts sociales, des titres et des obligations émis par des entités étrangères non résidentes et leur octroyer des prêts si la société offshore détient plus de 20 % des actions de ces entreprises étrangères.
La société offshore libanaise peut donc détenir toute forme de “participations” dans ces entreprises étrangères non résidentes, qu’il s’agisse d’une société de personne ou de capitaux. La loi de 2008 ne fixe aucune limite aux parts que  la offshore peut y détenir, ce qui implique qu’elle peut éventuellement posséder 100 % du capital (ou des parts). De même, le texte législatif ne stipule aucune limite aux montants des prêts consentis. « Le législateur se contente de fixer le seuil minimum de la participation à 20 %, permettant à la société offshore d’accorder le prêt. Dans cette dernière hypothèse, la société offshore pourrait être assimilée à une holding », rappelle Estelle el-Ramy et Nouhad el-Chaloubi.

3 – Réaliser des opérations de commerce international triangulaires ou multipartites hors du territoire libanais. Il s’agit notamment d’opérations d’import-export en franchise d’impôt entre deux territoires extérieurs ou par le biais des zones franches douanières. C’est pour ce genre d’opérations triangulaires que « la société offshore présente le plus d’utilité », note Estelle el-Ramy et Nouhad el-Chaloubi dans un article “Les sociétés offshore : entre expansion et remise en question” ».

4 – Des activités de transport maritime.  La offshore peut gérer des opérations de transports de marchandise d’un port d’embarquement à un port de débarquement situés tous les deux à l’étranger.

5 – Se positionner comme agence commerciale de société étrangère sur des marchés autres que le Liban. Au Liban, la représentation commerciale est régie par un décret-loi n° 34 de 1967, qui fournit à l’agence des garanties notamment en termes d’exclusivité et exige des compensations financières en cas de rupture du contrat. Si une société offshore exerce une activité de représentation commerciale, elle ne bénéficie pas dans ce cas de la protection de la loi de 1967 : son activité étant “lex rei sitae”, c’est-à-dire soumise à la loi du pays où elle intervient.

6 – Ouvrir des bureaux de représentation ou des branches ou des bureaux de représentation à l’étranger afin de favoriser et de suivre l’exécution des contrats dans les pays où elle exerce une activité.

7 – Obtenir des facilités financières auprès d’institutions bancaires et financières étrangères (hors du Liban) afin d’assurer les financements nécessaires à l’exécution d’un contrat ou d’une des activités précitées. « Aucune limitation n’est prévue quant à la source de ce financement, ou au montant maximum que la société offshore peut emprunter auprès des banques et des institutions financières. La seule limitation qui existe est relative à l’emprunt obligataire, puisque dans ce dernier cas ce sont les dispositions du code du commerce libanais qui s’appliquent », précisent Estelle el-Ramy et Nouhad el-Chaloubi.

8 – Louer ou acheter des biens immobiliers au Liban pour l’exercice exclusif de son activité. Dans le cas d’actionnaires étrangers, la société offshore est cependant tenue de respecter la loi de 1969 relative à l’acquisition de droits réels au Liban par les étrangers (et ses amendements, notamment la loi nº 296/2001), qui n’autorise pas, par exemple, un non-Libanais à acheter plus de 3 000 m2 sauf dérogation du Conseil des ministres.

Comptes
La société offshore libanaise peut avoir son capital et ses comptes libellés en monnaies étrangères. Elle reste cependant tenue de nommer au moins un commissaire de surveillance de nationalité libanaise, résidant au Liban, qui a la charge d’auditer ses comptes. Le mandat de celui-ci est renouvelable tous les trois ans. La contrainte est moins forte que dans le cas d’une société anonyme de type classique, pour laquelle deux commissaires de surveillance sont normalement requis et leur nomination effective pour un an renouvelable.


Conseil d’administration
Les membres du conseil d’administration de la société offshore peuvent tous être des étrangers, contrairement à la société anonyme libanaise où la majorité des administrateurs doit être libanaise. Le cumul de mandats est autorisé pour le président ou les membres du conseil d’administration de la offshore contrairement à la société anonyme (article 154 du code du commerce pour les sociétés anonymes).

Facilités réglementaires
Le président du conseil d’administration de la société offshore n’a pas besoin d’un permis de travail s’il est étranger et non résident au Liban. S’il est résident, il devra justifier d’un emploi préalable  pour autoriser son séjour. Les salariés étrangers n’ont pas besoin de permis de travail à condition toutefois que le bilan annuel de  la offshore dépasse un milliard de livres libanaises (667 000 dollars).

Représentation juridique
La société offshore n’a l’obligation de nommer un avocat que si son capital excède les 50 millions de livres libanaises (33 334 dollars) ou bien lorsque son bilan annuel dépasse les 500 000 dollars (ou équivalent). Ce point distingue la société offshore de la société anonyme classique, puisque l’obligation de nommer un avocat est impérative à partir de 30 millions de livres libanaises (20 000 dollars) dans le cas d’une SA selon les dispositions de l’article 62 de la loi organisant la profession d’avocats.

Fiscalité de la offshore libanaise
Impôt forfaitaire
Le principal avantage de la offshore libanaise est d’ordre fiscal, puisqu’elle n’a à s’acquitter que d’un impôt forfaitaire d’un million de livres libanaises (667 dollars) quels que soient ses résultats, contrairement à la société anonyme qui, elle, se trouve imposée à hauteur de 15 % sur les bénéfices nets annuels et de 10 % sur les dividendes (soit 23,5 % en tout).
Même symbolique, la fiscalité pesant sur les sociétés offshore au Liban reste encore élevée si on la compare aux exemptions pratiquées dans d’autres centres comme l’île Maurice ou l’État du Delaware (États-Unis) ou les Îles Vierges Britanniques (BVI) qui n’appliquent aucun impôt ni sur les sociétés, ni sur les bénéfices distribués, ni sur les droits de succession.
Même dans la région MENA, le Liban a au moins un sérieux concurrent en matière de fiscalité : l’émirat de Ras el-Khaïmah (Émirats arabes unis) qui exempte totalement les sociétés offshore de taxes à payer. Beyrouth soutient en revanche largement la comparaison en termes de coûts face à Dubaï, du fait de l’exigence d’un prête-nom local (“kafeel”) dans cet émirat qui détient 51 % du capital et de coûts d’installation élevés dans les zones franches.

Exemptions de l’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers
La société offshore est exemptée de l’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers (dividendes ou intérêts distribués, plus-values sur les cessions d’actions…) ou sur les bénéfices liés à des investissements hors du Liban. Cette taxe est fixée pour les sociétés anonymes à 10 % du revenu généré, de l’intérêt perçu ou de la plus-value réalisée. Les intérêts produits par les dépôts et les comptes bancaires de la société offshore au Liban sont aussi exemptés de l’imposition sur le revenu des capitaux mobiliers. Toutefois, depuis la loi de finance de 2003, les sociétés offshore sont soumises à un impôt de 5 % sur les revenus issus des bons du Trésor ou des dépôts de comptes bancaires effectués au Liban.

Pas d’impôt sur les non-résidents
La société offshore n’est pas soumise à l’impôt de 7,5 % sur les non-résidents (soit l’impôt sur les montants payés à des personnes installées hors du Liban, ou bien à des étrangers résidents mais sans immatriculation fiscale ou bien encore à des personnes sans lieu fixe pour exercer leur activité) en contrepartie de services ou de prestations effectués à l’étranger pour le compte de la offshore. Elle est même exonérée de l’impôt sur les traitements et salaires des employés travaillant à l’étranger. « En revanche, les salaires des employés libanais résidents restent soumis à l’impôt sur les traitements et salaires ainsi qu’aux cotisations sociales que la société offshore est tenue de retenir à la source et d’acquitter en leur lieu et place, et aux dates et délais fixés par les lois et règlements libanais en vigueur, et ce à l’instar de ce qui est d’usage dans les sociétés “onshore”. L’article 8 du décret-loi n° 46/83 assimile 30 % du salaire de base de l’employé non libanais, travaillant pour le compte de la société offshore, à des indemnités de représentation exonérées de cet impôt », précise Karim Daher.

Pas de droit de succession
La société offshore est exonérée des droits de mutation (droit de succession) et des taxes liés aux transferts de propriété, dont l’impôt sur la plus-value de cession d’action, qui frappe les bénéfices réalisés lors de la vente ou du transfert “ab intestat” (sans testament et/ou sans donation) d’une action. Cette disposition permet une évasion fiscale certaine, si on en croit les deux chercheurs, Estelle el-Ramy et Nouhad el-Chaloubi. « Rien n’empêche actuellement au Liban une personne ayant une fortune considérable de créer une société offshore et de transférer son patrimoine à l’actif de cette société afin d’éviter à ses héritiers de payer des montants élevés d’impôt de succession. »
Pour Karim Daher, une personne fortunée qui cherche à organiser sa succession au moindre coût possible peut ainsi regrouper ses biens détenus à l’étranger (mobiliers et immobiliers) soit directement, soit par le biais de valeurs mobilières (à l’instar de titres de participations de sociétés au patrimoine immobilier ou de parts de SCI) détenues à l’étranger dans une société offshore libanaise. « Il peut même le faire de manière indirecte pour ses biens détenus au Liban : cette personne enregistre alors au nom de la société offshore un bien immobilier libanais de grande valeur qu’elle considère comme destiné à l’activité de la société offshore. Dans un second temps, et après la mort du “de cujus”, les héritiers procèdent à une liquidation-partage de la société (et donc du bien) soumise à un droit minoré de 1 % de la valeur partagée », fait valoir Karim Daher.

Pas de TVA
La société offshore n’est pas assujettie à la TVA (10 %) et ni aux taxes douanières, puisqu’elle n’exerce pas son activité sur le sol libanais.


Durée et coûts de création
Comme pour toute autre société, la constitution d’une offshore nécessite un acte notarié, ce qui rend obligatoire la présence de fondateurs (personnellement ou par représentation ou procuration). La société doit ensuite être enregistrée au registre du commerce.
La création d’une société offshore est assez rapide au Liban : le délai se compte en jours, selon l’efficacité de l’avocat, aux dires de l’avocat Michel Ghanem. Sa constitution coûte quelque 2 000 dollars auxquels s’ajoutent les honoraires d’avocats, qui varient de 1 000 à 10 000 dollars, et l’enregistrement auprès du ministère des Finances.

Obligations légales
Une société offshore est tenue de présenter ses déclarations fiscales et un rapport d’audit tous les ans. Elle doit également enregistrer les informations requises par la loi pour les sociétés anonymes classiques auprès du registre du commerce. L’ordre des avocats de Beyrouth a fixé à un minimum de 5 000 dollars les honoraires annuels pour les avocats (auxquels s’ajoutent 100 000 livres libanaises (67 dollars) d’enregistrement annuel de la procuration auprès du barreau). De son côté, l’ordre des experts-comptables a fixé à un minimum de 3 000 dollars le défraiement de l’expert-comptable (qui couvre le rapport d’audit).

Obligations administratives
– Tenir des registres et des livres comptables en accord avec la réglementation fiscale libanaise.
– Remplir la déclaration d’impôts annuelle avant le 31 mai de chaque année.
– Appointer un auditeur et présenter des rapports financiers audités avec la déclaration d’impôt.
– Appointer un avocat si le capital de la société dépasse les 33 000 dollars ou bien si son bilan annuel dépasse l’équivalent de 500 000 dollars.

Sanctions
Si la société offshore libanaise enfreint la loi à laquelle elle est assujettie, elle est tenue de payer, pour l’année où l’infraction a été commise, l’impôt sur le revenu exigé des sociétés de capitaux ordinaires auquel s’ajoutent 50 % dudit impôt à titre d’amende (article 10 décret-loi n° 46/83).