Ralentissement de l’inflation, baisse de la tension sur le marché des changes, rétablissement du courant… la situation économique syrienne semble se stabiliser après des mois de dégradation. Les sanctions internationales et des difficultés
structurelles persistantes présagent cependant de nouvelles turbulences dans un environnement politique de plus en plus instable.

Alors que le début de l’année avait fait craindre un écroulement de l’économie syrienne, la hausse des prix a depuis ralenti et la monnaie nationale a repris des couleurs. La question de la pérennité de cette stabilisation se pose au vu d’un environnement économique et politique qui ne cesse de se dégrader.
L’inflation s’est atténuée après avoir atteint sur certains produits des niveaux proches de 100 pour cent, alors que la livre syrienne qui avait chuté à 107 livres pour un dollar le 9 mars s’est graduellement reprise pour se situer autour de 68 livres pour un dollar sur le marché noir début mai. Les coupures d’électricité se sont par ailleurs atténuées et le courant est maintenant rétabli quasiment 24 heures sur 24 à Damas, alors que d’autres régions du pays ne font plus face qu’à deux à trois heures d’interruption par jour.

La livre syrienne reprend des couleurs

Si l’amélioration de la fourniture d’électricité s’explique par l’arrivée du printemps et la baisse de la demande de chauffage électrique, la principale surprise est la bonne tenue de la monnaie nationale. En effet, après avoir résisté la plus grande partie de l’année dernière grâce à l’intervention soutenue de la Banque centrale, la livre syrienne dépassait le cap des 60 livres pour un dollar fin 2011 – alors que son taux avant le début de la révolte populaire en mars 2011 était de 47 livres. En quelques semaines, entre début janvier et début mars, la livre dépassait les caps psychologiques des 70 puis des 80, 90 et finalement 100 livres début mars.
L’annonce par le ministre de l’Économie début 2012 que le gouvernement donnerait la priorité à la préservation des réserves de change plutôt qu’à la défense de la livre apparaît comme l’un des principaux facteurs de cette dégringolade. Le rétablissement relatif de la valeur de la monnaie nationale depuis mars s’explique en grande partie par le revirement du gouvernement qui a ordonné le retour de la Banque centrale sur le marché à travers la vente de devises.
Un autre facteur explique cette amélioration : la baisse significative des importations – et donc de la demande de devises – qui est une conséquence de la faiblesse de la consommation et de l’investissement. Cette baisse est accentuée par la hausse des tarifs douaniers pour de nombreux produits importés de consommation. Les exportations turques vers la Syrie ont ainsi baissé de 57 % sur une base annuelle au cours du premier trimestre 2012.
L’une des conséquences du redressement de la monnaie est sa contribution à la stabilité des prix. Alors que le taux d’inflation pour certains produits alimentaires comme les huiles végétales, la viande de poulet et les œufs augmentait de manière spectaculaire au début de l’année, les prix sont maintenant revus à la baisse, en particulier pour les produits importés, tels le sucre et le riz. L’économie syrienne a également bénéficié de relativement bonnes récoltes grâce à un niveau satisfaisant de pluies et à une relative stabilisation du niveau de violence, en particulier dans la région stratégique située entre Homs et Hama qui est non seulement une zone agricole de première importance mais aussi une plaque tournante pour le transport à travers tout le pays. Un autre facteur important pour la stabilisation des prix est la chute de la consommation qui résulte de la baisse du pouvoir d’achat.

Répit conjoncturel ou redressement structurel ?

La question qui se pose est de savoir si cette relative amélioration est d’ordre structurel et tenable sur le long terme ou si elle ne fait que bénéficier de facteurs conjoncturels qui vont vite faire de se dissiper.
L’économie syrienne a prouvé l’année dernière sa capacité de résistance grâce en particulier à sa relative diversification, mais la chute des exportations pétrolières – qui représentaient en 2010 près de 50 pour cent de toutes les recettes d’exportations – risque de peser tôt ou tard sur la capacité du gouvernement à financer ses importations et à défendre sa monnaie. La décision de la Banque centrale au début de l’année d’arrêter d’intervenir sur le marché des changes est un signe qui ne trompe pas – même si cette décision a depuis été annulée.
Déjà, à la mi-mai, de nouvelles tensions apparaissaient sur les marchés du gaz domestique et des produits pétroliers avec des difficultés d’approvisionnement à Damas et à travers le pays. D’après le gouvernement, ces difficultés sont dues aux sanctions internationales qui, en bannissant le transport de produits énergétiques vers la Syrie et en coupant le système bancaire national du système financier mondial, empêchent les paiements et les livraisons de ces produits.

L’Isolement international persiste

Bien qu’il ne fasse pas de doute que les sanctions imposées par l’Union européenne, les États-Unis, la Turquie et les pays du Golfe compliquent sérieusement les relations commerciales et financières de la Syrie avec le monde extérieur, il n’est pas à exclure que le gouvernement cherche de son côté à réduire ses achats de produits importés afin de réduire sa facture en devises tout en blâmant la communauté internationale pour les pénuries.
De toute manière, il semble peu probable que le gouvernement puisse venir à bout de ces sanctions sans changement radical dans sa gestion de la crise et en particulier l’ouverture d’un dialogue politique sérieux avec l’opposition – une option qui apparaît très peu probable pour l’instant.
Il reste de nombreuses inconnues, notamment quant à la nature du soutien annoncé par des pays amis, tels l’Iran, l’Irak ou la Russie, dont l’appui financier pourrait peser dans la balance et fournir un répit de plus longue durée au gouvernement syrien.
Certaines sources avaient parlé d’aides bonifiées de plusieurs milliards de dollars de la part de l’Iran mais au vu des difficultés financières de Téhéran ces affirmations semblent dénuées de fondement. Par ailleurs, le déficit de produits raffinés à la fois en Irak et en Iran empêche Damas de s’approvisionner auprès de ces deux pays.
Si le gouvernement arrivait à maintenir la stabilité actuelle pendant encore plusieurs mois, ce ne serait pas la première surprise que l’économie syrienne réserverait. Cependant, avec des perspectives politiques bouchées, il est peu probable que sur le long terme les décideurs à Damas puissent échapper à une rechute. L’inconnue reste de savoir quand celle-ci va se produire.