La loi antitabac, entrée en vigueur le 3 septembre dans tous les lieux publics, est la cible de vives critiques de la part des restaurateurs et tenants de cafés qui y voient un danger pour l’économie de leur secteur. Le gouvernement maintient toutefois l’interdiction de fumer dans les lieux publics, laissant entrevoir
la possibilité d’amendements.
Restaurateurs et propriétaires de cafés expriment depuis le début du mois de septembre leur colère contre la nouvelle loi 174 sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics : ils craignent une forte baisse de la fréquentation de leurs établissements et, par conséquent, une forte baisse de leurs revenus (dont ils estiment la chute à 25 %) et de leur taux d’emploi (dont ils estiment la chute à 14 %). Ils ont fait entendre leur voix au cours de manifestations publiques, notamment à Antélias, et surtout à travers la publication d’une note très critique publiée sur le site du Syndicat des restaurateurs, et largement diffusée sur les réseaux sociaux. Annonçant dans son titre la perte de 2 600 emplois au Liban, cette note présente la loi comme une menace pour le secteur de la restauration et du tourisme, qualifié de « vital pour l’économie libanaise dont il représente 2 % du PIB total, c’est-à-dire en 2012 plus de 4 milliards de dollars de bénéfices, 9 % des emplois directs et 33,4 % des emplois indirects ». L’étude dénonce l’application de « lois inopportunes sans avoir au préalable étudié leurs véritables conséquences sociales et économiques ».
Le Premier ministre Nagib Mikati a réagi en estimant que les « alternatives proposées par les restaurateurs auraient dû être étudiées avant le vote de la loi ». Selon le président du Syndicat des restaurateurs Paul Ariss, des amendements ont bien été présentés lors des délibérations des commissions parlementaires, mais n’ont pas été pris en compte. Une réunion des restaurateurs début septembre avec le Premier ministre a été l’occasion pour ce dernier de réaffirmer sa position en faveur d’une application stricte de cette loi tout en acceptant la création d’un comité rassemblant syndicats et parlementaires pour réétudier la loi et envisager des amendements éventuels acceptables par chaque partie. Les restaurateurs réclament notamment des licences spéciales pour les cafés à narguilé et l’autorisation de délimiter des coins fumeurs même en présence de contraintes techniques (ventilation, espace limité).
L’État est conforté dans sa fermeté par le Tobacco Control Research Group de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) qui s’insurge contre le mouvement de lobbying des restaurateurs et assure que la loi ne sera pas à l’origine d’une récession de l’économie, mais bien au contraire une source de bénéfices pour l’État et l’industrie du tourisme. Lors d’une conférence de presse, le groupe de recherches a affirmé que la loi aura au contraire un impact positif par l’augmentation de l’attractivité de ces établissements pour les 62 % de non-fumeurs libanais et pour les touristes. Cette hausse est la conséquence d’un “effet de responsabilité” : le pays devient plus attractif car son statut de non-fumeur inspire davantage confiance. Cet impact positif se traduira aussi dans les caisses de l’État par une réduction des dépenses de santé ainsi que par l’augmentation de la productivité des employés dont la santé n’est plus mise en danger. « Le coût annuel du tabac est de 55 millions de dollars pour l’État : ces pertes doivent cesser », concluent les économistes de l’AUB. (Voir Le Commerce du Levant de juin 2012, n° 5629).


