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Cinéma libanais : comment entrer dans la cour des grands ?

La nationalité d’un film est-elle celle de son réalisateur, de ses producteurs ? Cette question pas si anodine dans la construction d’une identité cinématographique nationale revient surtout quand un film rencontre le succès et que chacun en réclame la paternité. Dans de nombreux festivals, comme pour les oscars aux États-Unis, le critère retenu est celui de la production. “Et maintenant, on va où” de Nadine Labaki est donc officiellement français, nationalité de son principal producteur, “Les Films des tournelles”. En France, pour qu’une œuvre soit considérée comme française, l’entreprise de production doit être établie dans le pays. Le problème devient plus ardu dans le cas du Liban, car les œuvres y sont pour la plupart des coproductions, avec une part majoritaire de producteurs français. « Ce qui n’est pas sans soulever immédiatement des questions de perte d’identité thématiques, esthétiques, etc., qui seraient la conséquence d’une déterritorialisation économique (au moins partielle) », les films étant influencés par leurs financeurs extérieurs, explique Raphaël Millet, spécialiste du cinéma, en cours d’écriture d’un ouvrage sur le cinéma libanais.
La nationalité du réalisateur pourrait résoudre le problème, selon Raphaël Millet. Mais dans le cas du Liban, beaucoup de réalisateurs ont une double nationalité (parfois triple). Certains ayant une véritable double appartenance : « Danielle Arbid est à mes yeux très française. Elle habite d’ailleurs la plupart du temps à Paris et ses films les plus récents (“Un Homme perdu” ou “Beirut Hotel”) portent clairement la marque de cela. » Ziad Doueiri revendique lui clairement la nationalité libanaise pour ses films. Pour son dernier film “L’Attentat”, sa coscénariste Joëlle Touma est également libanaise. « Le film est largement influencé par ces origines », affirme le réalisateur. Il dénonce de ce fait que le Liban ait refusé de le présenter aux Oscars.
Enfin, la langue de tournage peut être prise en compte. La question avait fait débat dans les années 1960, à cause de l’usage massif du dialecte égyptien dans des films “libanais”. Beaucoup de producteurs et financiers égyptiens ayant fui l’Égypte de Nasser qui souhaitait nationaliser le cinéma s’étaient établis à Beyrouth pour poursuivre leur travail.
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