L’année 2012 a constitué un tournant significatif du point de vue des finances publiques : pour la première fois depuis quatre ans, le déficit public s’est considérablement accru (+67 %) passant à 3,9 milliards de dollars en 2012, soit 9,4 % du produit intérieur brut (PIB) et une augmentation de près de quatre points par rapport à l’exercice précédent. Plus inquiétant, le solde budgétaire primaire – qui reflète l’état des comptes publics avant le paiement du service de la dette – enregistre son premier déficit depuis 2006, à hauteur de 0,3 % du PIB. Les effets combinés de la situation politique régionale et de la poursuite du ralentissement de l’économie mondiale sur l’activité libanaise ont affecté le rythme de croissance des recettes, tandis que l’augmentation des salaires et de la facture énergétique ont pesé sur les dépenses dans un contexte où le budget n’a toujours pas, pour la huitième année consécutive, été adopté par le Parlement.

Hausse des salaires et des transferts à EDL

Les dépenses totales ont ainsi augmenté de 14 % à 13,3 milliards de dollars, soit près de 32 % du PIB. Cette hausse est essentiellement due à celle des traitements et salaires de la fonction publique qui pèsent le tiers des dépenses totales : ce poste est en hausse de 22 % – exactement au même rythme que les dépenses primaires – à 4,5 milliards de dollars. Outre les ajustements salariaux au coût de la vie, cette hausse est également due à celle du paiement des retraites et des indemnités de fin de services (poste en hausse globale de 35 % pour une augmentation de 4 % du nombre de retraités) et à l’augmentation des transferts vers l’Université libanaise (+57 millions de dollars) du fait de l’adoption d’une nouvelle grille des salaires pour ses professeurs. L’autre élément majeur des dépenses budgétaires, les transferts destinés à combler le déficit d’Électricité du Liban ont augmenté de 30 % sur l’année – à 2,26 milliards de dollars – et représentent eux seuls 58 % du déficit public en 2012. Cette part est cependant nettement moins élevée que les années précédentes (74 % en 2011) du fait de l’accroissement des autres postes.
La hausse globale des dépenses a tout de même été atténuée par le recul de 4,7 % du service de la dette. Pesant 3,8 milliards de dollars, il continue de représenter 29 % du total des dépenses publiques et 42 % des recettes budgétaires. Cette baisse s’explique par la politique de la Banque centrale, qui détient environ 17 % de la dette publique : elle souscrit directement aux bons du Trésor en livres libanaises, puis vend des certificats de dépôts offrant une rémunération supérieure aux établissements bancaires, en couvrant les pertes par de la création monétaire. Ce faisant, elle atténue artificiellement le service de la dette tout en soutenant le secteur bancaire.
Les décaissements du Trésor qui totalisent 865 ont augmenté de  50 % entraînés en grande partie par la hausse des transferts aux municipalités qui ont grimpé de 82 %, à 443 millions de dollars, du fait de l’application du décret du 13 janvier 2012 allouant le surplus des revenus dégagés en 2010 à ces collectivités.
Enfin, les dépenses d’investissement ont augmenté presque dans les mêmes proportions (13 %) que les dépenses totales pour atteindre un total de 504 millions de dollars et enrayer la baisse constatée à cet égard en 2011. Les principaux bénéficiaires de cette hausse sont le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), le ministère des Travaux publics et des transports et le Conseil du Sud.

Hausse des recettes fiscales

Les recettes ont elles aussi connu une amélioration, mais à un rythme nettement moins élevé que celui des dépenses : les recettes totales n’ont crû que d’un point (contre 11 l’année précédente) pour atteindre 9,4 milliards de dollars. Ce ralentissement sensible découle du fait que la légère hausse des recettes fiscales (+3 % ), qui pèsent plus des deux tiers des recettes, a été en grande partie compensée par une baisse des recettes non fiscales (-5,2 %) et des encaissements du Trésor (-4 %).
Le gain de 200 millions de dollars de recettes fiscales par rapport à l’année précédente résulte d’une hausse de l’ensemble des grandes catégories d’impôts. Les impôts sur les revenus ont ainsi rapporté 4 % de plus que l’année précédente, notamment du fait de l’impact de la hausse des salaires et d’une augmentation sensible (22 %) des recettes de l’imposition des revenus du capital, attribuée par le ministère des Finances à l’intensification des contrôles. En dépit de la baisse d’un point – à 2,1 milliards de dollars – des recettes de la TVA, due notamment à l’exonération sur le gasoil votée en mars, les taxes sur les biens et services domestiques ont, quant à elles, rapporté cette année près de 2,5 milliards de dollars (+2 %), notamment grâce à une augmentation des taxes sur le tabac ainsi que des recettes liées à la hausse de la fréquentation de l’aéroport de Beyrouth. Enfin, la hausse de trois points des taxes sur le commerce international a également augmenté de 3,3 % à 1,5 milliard de dollars grâce aux hausses du produit de la taxation sur les importations de tabac (+28 %) et des droits de douane (2,5 %) qui compensent les baisses des taxes sur l’essence  (-9 %) et des revenus issus des importations automobiles (-2,4 %).
Quant aux recettes non fiscales, qui regroupent principalement les transferts d’organismes publics, elles ont baissé d’environ 120 millions de dollars pour atteindre 2,18 milliards de dollars. Le principal facteur de baisse est le poste des transferts des télécoms qui a théoriquement baissé de 5 %, à 1,43 milliard de dollars. En réalité, cette diminution est due à un biais statistique : les transferts de janvier 2012, s’élevant à 200 millions de dollars, ont été crédités sur l’exercice de l’année précédente, gonflant artificiellement ce dernier et créant de facto une baisse importante en lieu et place d’une faible hausse… S’agissant des autres postes, les revenus provenant du Casino du Liban ont naturellement pâti (-19 %) de la baisse des touristes, tandis que le port de Beyrouth n’a, cette année, procédé à aucun transfert du fait de ralentissement de son activité l’année précédente.

Renversement de la courbe de la dette

Le déséquilibre budgétaire s’est naturellement traduit par une aggravation de la dette publique brute qui a enregistré la hausse la plus importante depuis trois ans (8 %) pour atteindre 57 milliards de dollars, soit 138,1 % du PIB. Il s’agit d’un renversement de tendance, puisque ce ratio était en diminution constante depuis le pic de 182 % du PIB atteint en 2006. Une diminution qui tenait en tout cas davantage à la croissance économique qu’à l’austérité budgétaire. En excluant les dépôts du secteur public auprès des banques commerciales et de la BDL, la dette publique nette a, quant a elle, affiché une croissance moindre (5,9 %) pour atteindre 49 milliards de dollars.
Pour de nombreux observateurs, la situation des finances publiques devrait continuer à se dégrader en 2013. Barclays Capital et Standard and Poor’s prévoient ainsi respectivement un déficit budgétaire à 9,5 et 8 points de PIB en raison de la faiblesse des perspectives de croissance et de la récente décision d’augmenter les salaires dans le secteur public. Dans ce cadre, le poids de la dette publique sur le PIB devrait poursuivre sa trajectoire ascendante.