Il n’existe pas à Pomerol de classement comme à Saint-Émilion (voir page 68). Ici, ce qui fait la différence, ce sont les légendes individuelles, récompensées (ou pas) par le marché. Et dans ce registre, Pétrus s’en sort à merveille. Sa réputation est pourtant récente : il la doit à l’acharnement d’une femme, Edmonde Loubat, dite “Tante Lou”, propriétaire d’un établissement hôtelier réputé localement, situé en face de la gare de Libourne. En fine commerçante, la tenancière s’intéresse au vin et notamment à un petit domaine de 10 hectares (11,5 aujourd’hui), au cœur du vignoble de Pomerol auquel une famille, les Arnaud, a conféré au long du XIXe siècle une assez bonne réputation : Pétrus. Edmonde Loubat achète des parts de Pétrus et en devient l’unique propriétaire en 1945. Son intuition ? Si le classement de 1855 a figé les forces en présence côté Médoc, en Libourne tout est encore possible.
Elle finit par persuader tout ce qui compte comme palais dans la France de l’après-guerre. Elle présente même ses bouteilles aux grands d’Angleterre, lors des épousailles d’Élisabeth. Bientôt, elle en donne la gestion à un négociant, Jean-Pierre Moueix, qui va organiser la vente et créer le mythe : grâce à lui, Pétrus devient le vin culte des Kennedy. C’est d’ailleurs son fils, Jean-François, qui devient l’unique propriétaire de Château Pétrus en 2001 après des années d’un vaudeville entre héritiers, digne de la série “Dallas”.
Pour le connaisseur, Pétrus est un vin en retenue, sensible et délicat, qu’il faut savoir approcher à pas comptés. Il se situe à l’opposé des vins hyperconcentrés, démonstratifs qui ont fleuri à l’ombre de la déferlante Robert Parker.
Parmi les grands millésimes, dans le peloton de tête, on cite les 1982, 1989, 1990, 1995, 2001, 2005, 2006, 2010...