Malgré la crise économique qui pèse sur les coûts de production et la pandémie de Covid-19 qui déprime la demande, certains viticulteurs libanais regardent l’avenir avec espoir.

Les conditions météorologiques ont négativement affecté les vendanges cette année.
Les conditions météorologiques ont négativement affecté les vendanges cette année. F.G

Les vendanges ont commencé dans un contexte difficile pour les viticulteurs, marqué par une crise économique, la pandémie du Covid-19, et pour ne rien arranger une météo capricieuse.

« Les récoltes ne sont pas très prometteuses, déplore le fondateur du vignoble Terre Joie à la Békaa-Ouest, Joe Saadé. Nous avons eu de la grêle, qui nous a couté 25 % de notre production, puis une canicule, avec une température de plus de 40 degrés pendant dix jours. Les fortes chaleurs ont rendu le raisin plus sucré, ce qui affecte la fermentation et le goût », ajoute-t-il.

Au Château Kefraya, on ne se laisse pas pour autant démonter. « Ça fait partie du jeu », nuance son directeur général, Édouard Kosremelli, pour qui les aléas climatiques pénalisent surtout les petits producteurs, qui achètent leurs raisins. « Kefraya possède ses propres vignobles. Cette intégration verticale nous permet de nous adapter plus facilement », explique-il.

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Une capacité d’adaptation dont dépendra sans doute la survie d’une filière qui subit de plein fouet la crise économique et sanitaire, avec d’un côté une hausse des coûts et de l’autre une baisse de la demande.

La chute vertigineuse de la livre libanaise face au dollar s’est en effet traduite par une forte hausse des coûts de production. « Près de la moitié de nos coûts est libellée en dollars, notamment pour couvrir l’achat du verre ou des barils, souligne Joe Saadé. Or, nous ne pouvons pas doubler nos prix sur le marché local. Nous avons donc opté pour une augmentation progressive, avec une première hausse de 50 %, qui sera bientôt suivie d’une deuxième. »

Reste à savoir comment réagiront les consommateurs libanais, sachant que le vin est loin d’être un produit de nécessité. Une certitude néanmoins : pour une fois, les producteurs locaux sont largement avantagés par rapport à la concurrence étrangère. « La dépréciation a certes augmenté les coûts des viticulteurs libanais, mais elle a aussi multiplié par cinq le prix des bouteilles importées », souligne-t-on à l’Union des viticulteurs libanais (UVL), qui mise sur un net effet de substitution vers le vin libanais. « On ne le ressent pas encore, car les restaurateurs, auxquels nous vendons une part importante de notre production, opèrent au ralenti », précise-t-elle.

Baisse des ventes

Car au-delà de la crise économique, la crise sanitaire et les mesures de confinement handicapent aussi la demande. « Selon mes estimations, environ 2,2 à 2,5 millions de bouteilles de vin libanais ont été écoulées sur le marché libanais entre janvier et août, affirme le président de l’UVL, Zafer Chaoui. Si on fait un calcul approximatif, en partant des 4 millions de cols vendus en 2019, on peut estimer la baisse des ventes à 20 %. »

Une baisse qui reste toutefois minime par rapport à l’effondrement des importations, dont la moyenne mensuelle en volune a baissé de 72% par rapport à 2019 selon les chiffres des douanes libanaises. La part de marché des vins libanais, estimée par Zafer Chaoui à environ 70 % en 2019, devrait ainsi fortement augmenter cette année.

Mais c’est surtout sur le marché international que misent les producteurs libanais, en espérant une dynamique de substitution similaire. « La livre libanaise a perdu près de 80 % de sa valeur face au dollar, ce qui rend nos produits beaucoup moins chers, et donc plus compétitifs à l’étranger », souligne l'UVL.

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En 2019, le Liban était déjà un exportateur net de vin, avec 4,2 millions de bouteilles vendues à l’étranger, pour une production totale de 8,5 millions de bouteilles, soit environ la moitié. « L’objectif est de parvenir à une part de 70 % d’exportations à long terme », affirme Joe Saadé.

Ces projets devront toutefois attendre un peu, car la demande internationale est, elle aussi, déprimée par la pandémie mondiale du Covid-19, comme en témoigne la baisse des exportations mensuelles moyennes de vin libanais de l’ordre de 36 % par rapport à 2019, toujours selon les douanes libanaises.

Pour le moment donc, comme le résume Zafer Chaoui, « le chiffre d’affaires du secteur en livres libanaises a augmenté avec la dévaluation de la monnaie nationale face au dollar, mais le bilan global est assez catastrophique ». Un constat qui affecte surtout les petits producteurs moins tournés vers l’export. Malgré cela, les viticulteurs se veulent optimistes. « Une fois la pandémie sous contrôle, nous pourrons exporter de nouveau et mieux appréhender le marché local. Le vin est un plaisir qu’on s’offre. Ce n’est pas un produit quelconque et les Libanais l’apprécient. Nous trouverons un équilibre entre le marché local et international », espère de son côté Édouard Kosremelli.