En 2006, Mazen Hajjar crée 961, qui va devenir la bière branchée de Beyrouth. Il s’apprête à fonder une nouvelle brasserie… En Australie !

Le New York Times en a fait sa couverture : Mazen Hajjar, “The Hipster Brewmeister of... Beirut”, titrait-il en 2013 avant de s’intéresser à cette étonnante brasserie locale, la 961, lancée en 2006 et à son fondateur, Mazen Hajjar, ex-photographe de guerre, ex-banquier d’affaires et ex-propriétaire d’une compagnie aérienne low cost, au Moyen-Orient, qui n’a jamais décollé. « Je suis plus doué pour brasser », s’amuse Mazen Hajjar, qui produit 2 millions de litres de bière annuellement et revendique une part de 3 % du marché libanais (bières locales et étrangères). Un joli résultat pour celui qui est passé à la phase industrielle en 2011, grâce à un investissement que Mazen Hajjar se refuse à communiquer.
Malgré ce succès, Mazen Hajjar a la tête ailleurs : il s’apprête à produire des bières artisanales en Australie sous la marque Hawkers (colporteur en anglais). « C’est un hommage aux premiers Libanais installés en Australie, qui travaillaient souvent comme marchands ambulants. Mais Hawker est une bière australienne, sans autre rapport avec 961 que moi-même. »
L’investissement de trois millions de dollars est réparti entre le fondateur de 961 et des investisseurs australiens. Si Mazen Hajjar se projette sur ce continent, c’est aussi parce que les marges de développement de 961 sont limitées au Liban. « En Australie, tout le monde boit de la bière. Les micro-brasseries y révolutionnent la consommation. C’est le moment d’y être. Au Liban, boire une bière de qualité reste le fait d’une élite éduquée, trop étroite encore. »
L’histoire de 961 commence en pleine guerre avec Israël, en 2006. Le jeune homme, 33 ans à l’époque, décide de produire une bière « comme il les aime ». Plus proche du goût des Anglo-Saxons – Mazen Hajjar a fait une partie de ses études à Londres – que des standards auxquels sont habitués les Libanais. « J’étais chez moi, sans électricité, installé sur le balcon et lisais l’autobiographie de Steve Hindy et de Tom Potter (les deux fondateurs de la micro-brasserie new-yorkaise Brooklyn Brewery, NDLR). Dès le premier chapitre j’ai pensé : « Voilà ce que je veux faire ! » Le jeune homme démarre seul dans son arrière-cuisine qui devient assez vite le repère des amateurs de mousses. « J’ai compris qu’il fallait sauter le pas commercial lorsqu’un inconnu a frappé à ma porte en me disant : « Il paraît que tu fabriques une bonne bière. On peut en acheter ? » raconte-t-il au New York Times.
Avec Henrik Haagens, un homme d’affaires danois, rencontré au hasard d’une rue de Beyrouth en 2007, il fonde 961. La brasserie est installée à Nahr el-Mott. Ils ouvrent aussi un pub à Mar Mikhaël pour écouler leur production. Mais le rythme devient intenable et, en 2010, ils ferment le pub pour se concentrer sur l’activité de brasseur. Encore faut-il monter d’un cran : les fondateurs mènent une campagne de financement auprès de leur famille ou d’amis pour un montant non communiqué. Avec l’argent récolté, ils délocalisent l’usine dans un espace plus spacieux et se diversifient en lançant en 2011 une bière d’entrée de gamme, la Lebanese Brew. 961 est présente dans 300 points de vente et vendue à la pression dans 35 bars beyrouthins. La marque s’exporte aussi dans 25 pays, de l’Espagne à Hong Kong, de l’Australie à New York. Ce succès rapide s’appuie sur un marketing différenciant. Jouant les David contre Goliath, 961 a su se positionner en outsider de l’incontournable Almaza. À la publicité traditionnelle, la marque préfère des parrainages comme le Summer Block Party, un festival de rock, ou des campagnes environnementales comme celle pour la reforestation du Liban. Reste un point noir : l’absence de matières premières locales, en mesure de faire baisser les coûts. D’où aussi son nouveau projet : en Australie, même pour une micro-brasserie, le marché est assez vaste pour assurer une rentabilité rapide.