Malgré un potentiel important – l’Égypte revendique la troisième plus grande réserve de gaz naturel en Afrique, derrière le Nigeria et l’Algérie, avec 2 180 milliards de mètres cubes de gaz – Le Caire est confronté à une crise énergétique majeure, en raison de la forte hausse de la consommation locale, la baisse de production et la stagnation des investissements. Mais la présence sur son sol d’infrastructures d’exportations de GNL pourrait lui permettre de renverser la situation en sa faveur et de jouer à nouveau un rôle régional : l’Égypte servirait de transit pour l’exportation du gaz israélien, voire du gaz chypriote.
En juillet 2014, l’Égypte a reconnu que sa dette envers les compagnies de pétrole et de gaz étrangères dépassait les six milliards de dollars. La hausse de la demande, boostée par une politique de subvention généreuse, a de fait réduit le volume de gaz affecté à l’exportation. Le pays s’est retrouvé dans l’incapacité de respecter ses engagements contractuels et n’arrive plus à alimenter les usines de liquéfaction opérées par ces compagnies. Union Fenosa Gas (UFG) a porté plainte auprès de la Chambre de commerce internationale (CCI), suivant l’exemple d’East Mediterranean Gas (EMG) à la suite de la suspension des livraisons de gaz naturel à Israël en avril 2012. La décision égyptienne avait fait suite à une série d’attaques visant le gazoduc Arish-Ashkelon. En réalité, le contrat, signé en 2005 sous la présidence Moubarak, était profondément impopulaire, le prix fixé étant largement inférieur aux cours du marché.
C’est dans ce contexte de crise qu’est apparue une alternative : approvisionner les usines de GNL en gaz israélien. Les compagnies détentrices des droits d’exploitation des champs offshore israéliens, Tamar et Léviathan, menées par l’américain Noble Energy, ont passé des accords préliminaires avec les opérateurs des installations de GNL à Damiette et à Idku, respectivement UFG et BG Group. L’idée est d’exporter le gaz sur les marchés internationaux.
Le 6 mai, les partenaires du champ gazier Tamar ont annoncé la signature d’une lettre d’intention avec l’espagnol UFG. L’accord préliminaire prévoit le transfert, sur une période de 15 ans, de 71 milliards de mètres cubes de gaz naturel – environ le quart des réserves du Tamar. Le 27 juin, c’est au tour des partenaires du champ gazier Léviathan de conclure un accord similaire avec BG Group, pour la livraison de sept milliards de mètres cubes de gaz naturel par an sur une période de 15 ans, pour une somme non dévoilée qui avoisinerait les 30 milliards de dollars, selon certaines sources. Ces accords, qui prévoient aussi la construction de gazoducs sous-marins pour acheminer le gaz en Égypte, devront être approuvés par les autorités égyptiennes et israéliennes.
L’Égypte a posé ses conditions, parmi lesquelles le retrait des plaintes déposées auprès de la CCI.
Le ministre égyptien du Pétrole et des Ressources minérales, Sherif Ismail, a affirmé, le 6 juillet, qu’il n’y aurait « aucune honte », pour l’Égypte, d’affecter une partie du gaz du Léviathan importé par BG Group au marché local. Deux ans après avoir arrêté, unilatéralement, les exportations de gaz égyptien vers Israël, l’Égypte pourrait ainsi devenir un pays importateur de gaz israélien.
Une option rendue possible par le changement de gouvernement en Égypte. Mais elle n’est pas la seule. Après la visite officielle du président chypriote Nicos Anastasiades au Caire en décembre 2013, suivie, en juin 2014, d’une visite pour assister à la cérémonie d’investiture du président Abdel Fattah al-Sissi, ce dernier devrait se rendre à Chypre en octobre 2014. Le dossier énergétique sera au menu de la visite.