Pourquoi le patriarche maronite et tous les partis dits “chrétiens” se sont-ils mobilisés contre le projet de remblai du bassin n° 4 du port de Beyrouth ? La seule explication logique pour quiconque connaît le mode de fonctionnement de la société libanaise est de considérer qu’ils ont été convaincus de soutenir des parties lésées par ce projet, dont le trait commun serait d’être chrétiennes. À supposer que des intérêts économiques communautaires au sens large soient réellement menacés, cette mobilisation se justifierait-elle si le projet obéissait à une logique d’intérêt général ? Le problème dans ce mode de fonctionnement politique et de son traitement médiatique est que personne ne va jusqu’à poser cette deuxième question afin d’en faire un débat national éventuellement, de comprendre les tenants et les aboutissants d’un investissement dans l’une des infrastructures-clés du pays, la stratégie nationale dans laquelle elle s’insère, la répartition fonctionnelle entre les ports de Tripoli et de Beyrouth, etc. Le sujet n’aurait peut-être même jamais fait la une si une partie à coloration communautaire ne s’était pas singularisée. Le Commerce du Levant a cherché à faire ce travail (voir page 44). Les réponses obtenues sont à moitié satisfaisantes. Car dans une démocratie où le journaliste est censé éclairer le citoyen et jouer son rôle de quatrième pouvoir, il doit pouvoir s’appuyer sur des corps intermédiaires, des institutions, des centres de recherches, des administrations publiques et des partis politiques pour alimenter une enquête avec des données, des analyses, des points de vue. Autant de matière quasi inexistante au Liban. Sans compter sur la culture du secret qui domine dans la plupart des dossiers économiques comme garantie la plus solide de pouvoir mener certaines affaires juteuses à l’abri des regards.