À Bordeaux, comme chaque année, en avril, se tenait la campagne des primeurs. Au cœur de cet événement, un mécanisme original : les vins sont mis en vente à l’avance, les bouteilles étant livrées deux ans plus tard. L’idée est de garantir les ventes des châteaux, en échange d’un “prix discount”, de 20 à 40 % moins cher que lorsque le millésime est prêt à être distribué. « Entre 70 et 90 % des vins sont prévendus à cette occasion », assure la Revue des vins de France. Mais ces derniers primeurs bordelais ont été calamiteux : trop chers, les millésimes 2011, 2012 et 2013 ont été mal reçus par le marché.
D’où une question essentielle : quid du millésime 2014 ? Cette année, le ciel est resté maussade une partie de l’été. Heureusement, le temps a basculé vers la fin août, laissant la place à un été indien, qui a sauvé la récolte. De fait, assure Wadih Riachi, de Vintage, 2014 se présente bien. « Si on le compare à 2011 ou à 2013, il est de meilleure qualité. Je le crois même supérieur au 2012. On pourrait dire que c’est un 2008, en plus musclé. Bref, un très bon millésime, mais pas exceptionnel. » Pour 2014, Wadih Riachi marque sa préférence pour la rive gauche, pays des grands cabernet-sauvignon, un cépage tardif, qui a pu mûrir tranquillement. « L’été indien a sauvé les cépages tardifs avec des bonnes maturités en sucre et tannins. Côté rive droite, c’est plus mitigé : Pomerol s’en sort mieux que Saint-Émilion de manière générale. »
Mais ce qui fera la différence sera le prix : les grands négociants militent pour un retour au tarif de 2008, avant que le marché ne s’emballe sous l’effet de la demande chinoise. « Depuis 2010, les prix primeurs étaient trop élevés », confie Lucien Chammas, de Bacchus. « Aujourd’hui, Bordeaux espère que la chute de l’euro sera suffisante pour raviver l’intérêt des acheteurs américains. » En attendant, il va falloir apprendre à se méfier : de nombreux grands crus de 2010, par exemple, se retrouvent sur le marché mondial à des prix inférieurs à leurs cours d’introduction, ce fameux prix primeur. Avec un risque « que ces 2010 fassent le tour du monde pour tenter de trouver des acheteurs, prévient Lucien Chammas. Or, le vin a besoin de conditions de conservation optimum qui ne peuvent plus dans ce cas être garanties ».