« Je fais partie de la cinquième génération de joailliers de la famille, et ma fille et mon neveu, qui travaillent avec moi, sont de la sixième », déclare fièrement Walid Mouzannar, l’un des joailliers les mieux établis d’Achrafié. Lorsque les “jeunes”, Alia et Dori, ont rejoint la maison, Walid Mouzannar avoue avoir été au départ « un peu effrayé par leur imagination », mais l’expérience s’est révélée concluante. En apportant une touche de design à la marque, notamment en collaborant l’année dernière avec la célèbre architecte d’origine irakienne Zaha Hadid, ils ont contribué à la faire connaître à l’étranger, en particulier à Londres où a été présenté le fameux “Petal Cuff”. Il s’agit d’un bracelet manchette à 88 000 dollars en or blanc incrusté de 1 048 diamants disposés sous la forme d’une toile d’araignée, fabriqué en seulement 12 exemplaires, et qui a valu au joaillier libanais une large couverture dans les médias internationaux.
Diplômé en économie et en gemmologie, Dori conçoit des bijoux et gère les deux ateliers où officient une quarantaine d’artisans, tandis que sa cousine Alia dessine des pièces originales inspirées de son amour pour l’art contemporain et ses études d’architecture. Des pièces qui complètent l’offre traditionnelle de la maison. « Il y a de plus en plus de demande pour les bijoux créatifs et discrets, même chez la nouvelle génération du Golfe. Alia a par exemple lancé une collection de bijoux transformables, qui a très bien marché », se félicite son père, en soulignant que près de 30 % du chiffre d’affaires de la maison provient désormais des exportations, avec des distributeurs au Koweït, à Dubaï, à Londres, aux États-Unis et « prochainement à Paris ».
Les ventes à l’étranger permettent de compenser la disparition des touristes arabes sur le marché local et contribue, avec la composante libanaise, à une croissance du chiffre d’affaires attendue à 15 % cette année. « Notre clientèle habituelle, plutôt aisée, n’a pas été particulièrement touchée par la crise », souligne Walid Mouzannar. Cette clientèle fidèle, il la cultive depuis les années 1950.
À cette époque, le joaillier avait lui aussi insufflé un sang nouveau à l’industrie. Sa famille, qui venait de Syrie, était installée au Souk des bijoutiers depuis 1860, mais produisait surtout des pièces en or travaillé, dont la valeur était essentiellement dans le prix du métal. « C’est notre génération qui a sorti le bijou de sa torpeur en s’inspirant des modèles italiens, puis en introduisant les pierres précieuses et le sertissage. Lorsque j’ai produit mes premières pièces, dans lesquelles la main-d’œuvre représentait presque 40 % du prix final, mon père était scandalisé », se souvient-il.