Ses bijoux sont portés par les têtes couronnées et recherchés par les collectionneurs, mais ils ne sont vendus que dans une seule boutique, à Beyrouth. La maison Tabbah s’est fait un nom dans le monde entier, tout en restant discrète. Un choix défendu par Nabil Tabbah, qui accompagne son fils Nagib à qui il a transmis la direction de la maison en 1998. « Nous faisons de la joaillerie, pas de la distribution. Et nous ne sommes pas un groupe, nous sommes une famille », se plaît-il à répéter. Une famille qui tire son nom de son métier originel : graveur. « Mes ancêtres sont originaires de Zahlé qui était à l’époque un centre commercial sur la route de la soie. Ils ont développé l’art de graver le bois pour imprimer des motifs sur les tissus en soie. » Après la disparition de ce commerce au Liban, Joseph Tabbah se reconvertit dans la joaillerie en 1862, en appliquant l’art de graver du bois à des objets en or et en argent, un travail délicat qui évoluera avec le temps. En 1945, la troisième génération de joailliers installe un atelier à Beyrouth, à Bab Idriss, où travaillent une cinquantaine d’artisans. La première boutique beyrouthine ouvrira quelques années plus tard, spécialisée dans les pièces sur mesure. « Nous faisons aujourd’hui quelques lignes toutes prêtes, mais les pièces uniques restent notre spécialité et constituent le cœur de notre métier. Nous concevons des bijoux en fonction de la personnallité de chacun, que nous fabriquons dans nos ateliers situés à Beyrouth. Cette relation privilégiée avec nos clients fait notre différence. Nous ne cherchons pas à grandir en multipliant les boutiques, pour ne pas perdre le contact avec nos clients. »
C’est d’ailleurs pour suivre sa clientèle, libanaise et arabe, que Nabil Tabbah s’installe à Monaco pendant la guerre du Liban, tandis que son père reste à Beyrouth. Dans la principauté, le jeune joaillier trouve de nouveaux adeptes parmi lesquels la milliardaire libanaise, Mona Ayoub, dont l’un des bijoux sera plus tard mis en vente aux enchères chez Christie’s, ou encore la princesse Charlène. Cette dernière lui demandera, quelques années plus tard, de concevoir sa parure de mariage, même si entre-temps Nabil Tabbah était rentré à Beyrouth, après le décès de Nagib Senior en 1993.
L’année dernière, la maison est revenue aux sources avec une boutique au centre-ville de Beyrouth, à quelques rues des ateliers d’origine, malgré une conjoncture morose. « Le marché est difficile, reconnaît Nabil Tabbah. Notre chiffre d’affaires ne fait que baisser depuis quelques années. L’attentisme domine chez les Libanais, il n’y a plus la même désinvolture dans l’acte d’achat. » La disparition des touristes arabes du marché libanais est également un coup dur. Mais contrairement à d’autres joailliers, Tabbah a choisi de ne pas les suivre. « Je maintiens un contact étroit avec mes clients à l’étranger, mais je ne prendrai jamais mes bijoux dans une valise pour aller les vendre. »