« Tous les jours des compagnies étrangères de jets privés viennent à l’aéroport de Beyrouth pour y embarquer des clients libanais. » C’est à partir de ce constat que la Middle East Airlines (MEA) a décidé d’investir le créneau des jets privés à travers le lancement d’une filiale dédiée, Cedar Executive, qui a pris livraison de son premier jet le 7 janvier. « Nous sommes les mieux placés pour satisfaire cette demande, estime Mohammad el-Hout, PDG de la compagnie nationale. Nous visons une clientèle d’affaires de plus en plus mobile, qui nous a réclamé ce service, mais aussi des groupes d’amis intéressés par une destination mal desservie par les avions de ligne. Nous connaissons très bien le marché et la MEA jouit d’une véritable confiance auprès des Libanais. »
Le groupe avait déjà lancé il y a une dizaine d’années une filiale dédiée à l’opération et la maintenance de jets privés pour le compte de tiers – la structure va désormais être intégrée à Cedar Executive. Ce qui lui a donné largement le temps d’étudier le marché. « Il y a onze jets privés aujourd’hui sur le tarmac. À certaines périodes, il était vide, et à d’autres, le pic de 30 avions a été atteint », souligne Mohammad el-Hout devant les représentants de médias libanais (dont Le Commerce du Levant) invités à découvrir le nouveau service lors d’un vol aller-retour vers Adana, en Turquie, à 40 minutes de Beyrouth, pour un déjeuner au bord du fleuve Seyhan.
Hormis ceux qui sont la propriété de personnalités libanaises fortunées, la plupart de ces avions appartiennent à des compagnies étrangères, notamment turques. Quelques sociétés libanaises se sont lancées sur le segment, mais seule celle de l’ancien ministre Mohammad Safadi est encore active, avec un seul jet. Les autres, telle Flying Carpet, n’ont pas tenu le coup.
Ces déconvenues n’ont pas découragé la MEA, au contraire. « L’investissement dans la flotte est loin d’être le seul coût à prendre en compte. La maintenance, la formation des pilotes, etc. sont lourds à assumer pour une petite société, a fortiori si elle ne compte qu’un seul ou deux avions. L’avantage de Cedar Executive qui emploie une douzaine de personnes est de pouvoir compter sur des synergies avec la MEA », explique la directrice des opérations Randa Kammoun el-Hurr, qui dit s’inspirer de l’exemple du succès de Qatar Executive et de Delta Private Jets, filiales respectives des compagnies éponymes.

Un investissement
de 19 millions de dollars

Bien qu’il se refuse à divulguer toute information chiffrée concernant l’activité de la nouvelle compagnie, Mohammad el-Hout estime qu’elle sera à l’équilibre à l’issue de la première année. L’investissement dans le premier avion de Cedar Executive est de 19 millions de dollars, financé par un prêt d’IBL Bank. « Nous pensons exercer notre option d’achat pour un deuxième jet l’année prochaine. » Le choix de la MEA s’est porté sur le Legacy 500 du constructeur brésilien Embraer entré en service en octobre 2014, « l’appareil le plus moderne de sa gamme », selon le PDG de la MEA. « Le saut technologique est flagrant », confirme le pilote Hadi Azhari, citant notamment le remplacement des commandes de vol traditionnelles par des commandes électroniques (“Fly by Wire flight controls” qui n’équipera pas les Airbus de la MEA avant 2020) ou encore une meilleure résistance aux turbulences. Le biréacteur, qui a une portée d’environ 5 800 km (six heures de vol environ) et peut voler à une altitude de 45 000 pieds (soit largement autant qu’un avion de ligne), a une vitesse maximale de Mach 0,83 (plus de 1 000 km/h).
Du point de vue des passagers – le jet peut en accommoder neuf –, le confort tient à des hublots relativement larges, alignés sur chacun des sièges pour offrir une bonne vue ; des sièges pouvant tous être couchés, quatre d’entre eux étant transformables en lits ; mais aussi l’accès à Internet en vol. Autre avantage relatif : la soute chauffée qui peut abriter un grand nombre de bagages. Pour son lancement, Cedar Executive propose des prix légèrement inférieurs à ses concurrents, soit autour de 4 500 dollars l’heure de vol. Une tarification qui n’est cependant pas simplement progressive, car tributaire également de la durée du stationnement et des taxes aéroportuaires.