Roger el-Ashi est optimiste. Au plus fort de la crise des déchets, qui a éclaté en juillet 2015, le président de la Fédération des municipalités du Haut-Chouf n’a jamais désespéré. Les solutions locales existent et ne sont pas tributaires du gouvernement central, estime-t-il. « Après la fermeture de la décharge de Naamé et la fin du contrat de Sukleen, nous avons décidé de prendre les choses en main. » La fédération, qui regroupe 15 municipalités et près de 12 000 habitants permanents qui produisent une moyenne annuelle de 12 à 15 tonnes de déchets par jour, décide alors de construire un centre de tri à Baadaran. Cette usine, opérationnelle depuis le mois de novembre et dont le coût, comprenant l’achat d’un terrain de 5 000 mètres carrés, s’est élevé à 273 000 dollars, est équipée pour traiter 35 tonnes d’ordures quotidiennement. Elle sera prochainement renforcée par un centre de compostage, actuellement en cours de construction, qui a coûté 260 000 dollars. L’ensemble de ces infrastructures ont été financées par les municipalités de la fédération, des donateurs privés, dont le leader druze Walid Joumblatt et le député Nehmé Tohmé qui ont, à eux deux, participé à hauteur de 75 000 dollars.
« Grâce à ces équipements, 85 % des déchets de la fédération pourront être traités », assure Roger el-Ashi, qui se félicite de maîtriser la quasi-totalité de la chaîne de gestion des ordures de sa fédération, non seulement sur le plan opérationnel mais aussi financier. La collecte est assurée par trois camions appartenant à la fédération, mais gérés par des personnes privées. Transportés à l’usine, où travaillent neuf personnes employées par la fédération, les déchets sont ensuite triés, la matière organique étant traitée dans le futur centre de compostage, et les ordures non organiques (papier, plastique...) compactées puis revendues. Pour les deux tonnes quotidiennes de déchets divers ne pouvant être valorisés (soit 15 % du total), Roger el-Ashi annonce que la fédération va investir environ 40 000 dollars dans de nouvelles machines qui permettront de broyer, nettoyer, compacter et emballer les ordures de manière à produire du RDF. Ces déchets seront récupérés par un sous-traitant privé (dont l’identité n’est pas révélée) qui dispose de sa propre usine de RDF et avec lequel la fédération est en train de finaliser un partenariat. Les déchets ne pouvant être transformés (environ 5 %) seront, quant à eux, traités et envoyés dans une des deux nouvelles décharges prévues par le gouvernement, ou à défaut « dans une décharge privée complètement gérée par la fédération », précise Roger el-Ashi. Il revendique la viabilité économique de son projet dont le coût de fonctionnement global est estimé à 220 000 dollars par an, soit 18 % du budget auparavant alloué à Sukleen pour l’ensemble du service de traitement des municipalités concernées. « Si le gouvernement continue à nous verser notre part du budget de la Caisse autonome des municipalités (1,25 million de dollars reçus pour un an pour l’ensemble de la fédération lors du dernier versement) ainsi que de la taxe de 10 % prélevée sur les factures de télécoms (1,8 million de dollars reçus pour les cinq dernières années), nous pourrons financer notre système à long terme, et même être largement bénéficiaire », explique-t-il. Roger el-Ashi ne veut toutefois pas trop compter sur les promesses du gouvernement et déclare avoir déjà travaillé à la mise en place d’une taxe locale, qui pourrait s’élever à 10 000 LL par foyer et par mois, au cas où la fédération ne percevrait pas l’argent dû à l’État.