Avec 23 nouveaux établissements en 2016, Broummana revient sur le devant de la scène et s’impose comme une destination de choix pour les restaurateurs libanais.

Depuis l’année dernière, les jardins de l’hôtel Printania accueillent un espace de restauration avec plusieurs enseignes. Mais cet été, Broummana connaît une effervescence longtemps oubliée : grâce à plusieurs restaurants et pubs qui y ont ouvert en début de saison, avec en tête un cluster baptisé Villa Printania qui se loge dans l’ancien Printania complètement remis à neuf. Derrière ces deux initiatives, Georges Achkar, qui n’est autre que le fils de Pierre Achkar, propriétaire du Printania, président du syndicat des hôteliers et aussi président de la municipalité de Broummana. Georges Achkar qui a le métier dans le sang a orchestré l’ouverture des nouveaux restaurants.
Broummana avait déjà connu des heures de gloire. Dans les années 1950, le village comptait 36 hôtels et pensions. C’était, à l’instar de beaucoup de villages du Metn, un lieu de villégiature très prisé du fait de sa proximité avec Beyrouth, de son climat agréable… Avec la construction du Printania Palace en 1964, Broummana a su attirer les grandes personnalités des pays arabes voisins, soit des Syriens, des Égyptiens ou des Irakiens. Le village est ensuite devenu une destination de refuge durant la guerre (1975-1990) puis au début des années 1990 lorsque les hôtels de Beyrouth n’étaient pas encore reconstruits. Ainsi s’y sont développées la restauration et la vie de nuit. De grands restaurants de cuisine libanaise traditionnelle, comme Chez Mounir, Fakhdreddine ou  Burj el-Hamam, témoignent jusqu’à aujourd’hui de ces époques. Tout comme les traditionnels bistrots français La Gargote et Le Gargotier.
Mais depuis quelques années, la baisse du tourisme a affecté les affaires. Broummana peinait à redémarrer et était en reste par rapport à d’autres destinations de montagne qui ont connu un essor grâce aux festivals ou à l’implantation de nouvelles marques d’hôtels ou de restaurants.

2014, année charnière

En 2014, durant la Coupe du monde de football, Georges Achkar a l’idée d’installer un écran géant dans les jardins du Printania et fait venir les marques Sushi Ko et Classic Burger Joint. « À l’époque personne ne voulait monter, ce sont les seuls qui ont cru dans mon projet », se souvient-il. L’opération est un vrai succès si bien que l’année suivante, l’entrepreneur lance une société, Printania Revival, et ouvre Printania Garden. Ce petit cluster saisonnier de cinq établissements, dont deux concepts – Milana (2015) et Peter’s Grill (2016) – développés pour l’occasion, peut accueillir près de 700 personnes assises. « La réussite a été extraordinaire », dit-il. L’idée était de servir une clientèle locale mais rapidement, Printania Garden attire les habitants des villages alentour, puis de Jbeil et de Beyrouth.
En 2016, les affaires se poursuivent sur le même modèle avec Printania Villa, un deuxième cluster de six restaurants installé sur la rue principale de Broummana. Moyennant un investissement total autour de 700 000 dollars pour réhabiliter les terrains, Georges Achkar est aujourd’hui à la tête d’un espace de 17 000 m2 où 1 500 chaises se répartissent entre onze enseignes : Sushi Ko, Magnolia Bakery, Milana, Cinco Lounge, Peter’s Grill (au Printania Garden) ;
C Garden, Duo Bistronomie, BlackRock, Clown Lounge, Escobar et Spice and Slice (au Printania Villa). Le choix des marques correspond à une volonté de proposer plusieurs types de cuisine aux clients pour un ticket moyen situé entre 25 et 40 dollars.
Pour attirer les marques, le Printania dispose d’un argument de taille : il ne fait pas payer de loyer. « Chaque restaurant vient me voir avec une estimation du chiffre d’affaires qu’il va faire sur la saison et nous en prenons environ 10 % », explique Georges Achkar. Si la marque encaisse moins que ses prévisions, Printania Revival se réserve le droit de ne pas renouveler la collaboration. « Cela n’est pas encore arrivé, tous les restaurants font au moins deux fois plus que prévu », assure-t-il.
Du côté des enseignes, la formule est très attractive, car elle ne nécessite pas de gros investissements. La structure étant là, il faut seulement installer une petite cuisine et disposer des tables. « C’est très rentable », dit Donald Batal, de Classic Burger Joint. Présent en 2014 et 2015, Donald Batal dit avoir réalisé un chiffre d’affaires mensuel de 100 000 dollars pour un investissement de 70 000 dollars. Ne pouvant plus occuper le même emplacement que les années précédentes, Classic Burger Joint s’est déplacé vers un autre village pour 2016, mais espère revenir l’an prochain.
Encouragés par le boom du village, les restaurateurs investissent désormais dans des emplacements en dehors des clusters et des hôtels. Mario Thoumy fait partie de ces enthousiastes. Alors qu’il possédait déjà à Broummana un établissement Crepaway depuis 1996, il a réinvesti 450 000 dollars en 2016 pour ouvrir un Nasma de 160 places à côté du célèbre Manhattan. « Même si Broummana reste principalement une destination d’été, l’investissement est viable », explique-t-il.
Les habitants de la localité ont ainsi vu débarquer des enseignes comme Tabliyit Massaad ou Main Street et accueilleront prochainement Zaatar W Zeit et Roadster. D’autres grands groupes comme AddMind ou VII Management sont en pourparlers afin de lancer des concepts de nuit.
En 2016, 23 restaurants ont ouvert à Broummana, soit un investissement total autour de 10 millions de dollars, selon la municipalité qui accueille très positivement ce regain d’activité économique. « Grâce aux restaurants, nous avons été en mesure de créer plus de 850 emplois », explique Pierre Achkar. Avec la municipalité, il tente d’accompagner cette croissance en facilitant la circulation et le parking par exemple.
Pour attirer un maximum de clientèle, Broummana joue aussi la carte des festivals. En 2015 et 2016, la ville a fait venir Souk el-Akl et des artisans libanais pour organiser des journées de fête. « Cette année, nous avons accueilli plus de 80 000 personnes en quatre jours », dit le président de la municipalité.
La mode de Broummana a aussi séduit les hôteliers. Malgré la crise du tourisme, le groupe Starwood Hotels & Resort Worldwide a choisi le Grand Hills Broummana pour lancer en 2015 le premier établissement de sa marque Luxury Collection Hotel and Spa au Liban. L’hôtel s’étend sur un terrain de
35 000 m2 et offre 164 chambres et suites pour un prix moyen par nuit autour de 300 dollars en basse saison et 370 dollars en haute saison. Le propriétaire des lieux, le joaillier Robert Mouawad, n’a pas hésité à créer pour l’occasion la plus grande suite au monde, une résidence royale de 4 131 m2 répartis sur sept étages avec cinq chambres et une piscine privée.
Afin de pérenniser ses investissements et de fixer Broummana sur la carte du tourisme une bonne fois pour toutes, Georges Achkar travaille actuellement à un nouveau projet : un outlet mall. « Ouvrir un centre commercial ne marcherait pas, car nous sommes trop près de Beyrouth et de Dbayé où de grands groupes sont déjà présents, mais il n’existe pas au Liban de lieu dédié au déstockage et je pense que pour ça, la clientèle fera le déplacement », dit l’entrepreneur qui est déjà en pourparlers avec de grandes marques en vue d’une ouverture en 2017.